Allongée dans l'obscurité de sa chambre, la rouquine écoutait un album...Elle était lasse, de nombreuses pensées s'amoncelaient, son esprit vagabondait au fil des morceaux.

K's Choice - Not An Addict

Elle se revoyait, toute jeune, après son entrée à la Onzième Division. Chaque nuit, elle allait se percher sur un toit pour essayer de calmer toute la colère et la rancœur accumulée dans la journée. Les autres divisionnaires lui menaient la vie dure, elle n'était qu'une fille, incapable selon eux de se battre correctement et de ne pas ralentir le groupe par sa préciosité. Tous les soirs, elle s'asseyait en hauteur et regardait la division dormir, une cigarette aux lèvres, réfléchissant à tout et rien, mais une image s'imposait à elle sans cesse.
Sa division, les guerriers, les barbares du Seireitei, ceux qui vouent leur vie aux combats. Pour rien au monde elle n'aurait échangé sa place, cet endroit était le seul où elle se sentait chez elle, il y avait bien longtemps que la maison de sa famille ne remplissait plus cet office. Voir la seule fille de la famille prendre les armes et devenir l'un de ces tueurs sanguinaires n'avait plu à personne, mais ils n'avaient pas eu leur mot à dire. Comment leur expliquer en même temps ce qu'elle ressentait lorsque les lames s'entrechoquaient, quand l'odeur du sang parvenaient à son nez. La montée de l'adrénaline lorsque l'on sait qu'on peut mourir dans les minutes qui viennent et se battre malgré tout, pour ressortir victorieux...ou mort.
Des artistes de la mort, voilà ce qu'ils étaient. Et la toute jeune fille qu'elle était alors idolâtrait le grand Kenpachi, maître incontesté et incontestable de cette troupe de dieux de la mort, littéralement. Personne ne se battait comme eux, ils étaient les monstres, les renégats, et Tsukane se sentait vivante parmi eux.
Les volutes de fumées s'échappaient de ses lèvres pour monter dans le ciel, la scène juste éclairée par la lune. Tout était si calme, si paisible, à l'exact opposé de la journée. Elle ne fumait pas la journée, trop occupée à s’entraîner pendant des heures pour prouver qu'elle n'était pas un poids inutile. Ne pas décevoir son capitaine, impressionner ses co-divisionnaires aussi, mais se prouver surtout qu'elle n'avait pas fait une monumentale erreur. Ses motivations avaient une base bien triviale tout de même, mais sa décision avait été renforcée par les talents qu'elle avait montré à l'Académie lors de l'apprentissage du Zanjutsu, l'art de l'épée. Cet amour brut et sincère de son arme, de sa lame, de l'âme qui y résidait, leur parfaite adéquation, voilà ce qui avait fini de convaincre la demoiselle pour le choix de sa division.
Sentir l'adrénaline, toujours plus puissante, couler dans ses veines et lui envoyer des décharges vigoureuses, qui la ramenaient sans cesse dans le combat, c'était une drogue, à l'instar des endorphines d'ailleurs. Et semblable à ce que sa compagne de combat lui envoyait dans le bras, dans la nuque, dans le crâne, jusqu'à ce que leur soif de sang soit étanchée. Plus rien d'autre n'existait avant ça, juste le désir sadique et omniprésent de blesser l'autre, plonger ses griffes dans la chair et faire couler le liquide vital pour s'y abreuver. C'était leur magie, leur volonté de destruction, leur façon de vivre.
Tsukane se sentait réellement vivante en ces instants, savourant le regard apeuré de ses adversaires devant les pouvoirs de son arme. Elles étaient la mort implacable, tous le reconnaissaient enfin et craignaient de devoir subir la morsure de l'argent. Cela avait prit du temps oui, mais elle était un peu mieux acceptée au milieu de tous ces hommes, sans compter le fait que sa féminité restait vraiment à prouver.
Une chose seulement pouvait le faire, et elle le tenait secret au plus profond de son être. La seule personne au courant ne risquait certainement pas de la trahir, elle avait confiance en lui. Le cœur de la rouquine battait certes au rythme de la division, mais ne paraissait réellement vivant qu'en présence d'une personne bien particulière. Un seul regard dans sa direction, et son cœur s'emballait, menaçant de sortit hors de la poitrine de la jeune fille. Qui pourrait jamais croire qu'au delà de l'apparence de la guerrière sans pitié, il y avait aussi une femme désirant un homme, espérant qu'un jour il la voit réellement.
Qu'est ce que l'amour sinon une chose gênante, un handicap lors d'un combat ? Que se passerait-il si elle le voyait tomber sous les coups d'un ennemi, mourir sur un champ de bataille ? Non, elle ne voulait pas y penser, l'image du corps lacéré et sans vie de celui qu'elle aimait hantait bien trop souvent ses nuits, la réveillant parfois en sursaut dans le dortoir qu'elle partageait avec ses camarades. Et elle restait éveillée, assise dans le noir, recroquevillée sur elle-même en essayant de faire taire ces angoisses qui n'avaient pas lieu d'être. Elle n'était rien de plus qu'une membre de la Division de l'Achillée pour lui, il n'en serait jamais autrement. À chaque fois, cette pensée la réconfortait et la terrifiait encore plus, mais qu'espérer de plus que d'être une ombre, si loin et pourtant si près de lui. Même s'il n'apprendrait jamais la moindre chose sur ce qu'elle ressentait, pour toujours elle serait là, non loin de lui, à répondre à ses demandes.
Le voir, le croiser au détour d'un couloir, entendre sa voix au loin, le regarder se battre lors des entraînements...Tout autant de choses qui faisaient battre le cœur de Tsukane...Lui, lui et toujours lui...Une obsession ? Il y avait de ça oui, tout comme son désir qu'il la remarque, et celui tout à fait contradictoire de rester invisible à ses yeux.
Le vent froid la ramenait à la réalité, alors que son regard se posait sur le bâtiment abritant les appartements des sièges. Quelque part dans une chambre, l'homme dormait, paisible, son sommeil sûrement occupé par des rêves de ces combats qu'il aimait tant...qu'ils aimaient tous. Que n'aurait-elle pas donné pour pouvoir le regarder dormir... Son cœur se serra un peu plus alors qu'elle jetait la cigarette éteinte au loin. Tsukane ne pouvait ni devait pas espérer ainsi, elle se faisait du mal et elle le savait. Elle était seule et elle le resterait, ne faisant qu’enchaîner les passades et les aventures d'une nuit sans jamais s'attacher, son cœur étant déjà prit. Une petite larme coula sur sa joue, qu'elle s'empressa d'essuyer. Un guerrier ne pleure pas.
Et pourtant, ça ne s'arrêtait pas, sa gorge se serrait de plus en plus alors que les larmes ravageaient son visage si doux. Comment une chose qui était décrite par tous comme un acte merveilleux, une bénédiction, pouvait tant la faire souffrir ? Elle aurait voulu ne jamais le croiser alors qu'elle n'était qu'une enfant, ne jamais s'attarder sur son sourire, sur son visage, sur ces yeux qui l'avaient ensorcelée. Mais elle ne pouvait pas s'empêcher de penser à lui, toujours lui, son image s'imposant à son esprit dès qu'elle fermait les yeux pour retenir ses larmes.
Les larmes rendaient floue sa vision, mais elle savait exactement où ses yeux s'étaient posés : l'endroit où se trouvait la porte des appartements de cet être qui la hantait sans répit. La toute jeune shinigami lui en voulait parfois d'avoir capturé son cœur, de l'empêcher de vivre aussi sereinement qu'elle aurait pu le faire sans lui. Mais serait-elle entrée à l'Académie malgré l'avis de ses parents si elle ne l'avait pas vu ce matin là, les rayons solaires illuminant chaque détail de sa beauté parfaite. Aurait-elle entraîné son corps jusqu'à l'épuisement pour pouvoir entrer dans cette division où il était, jusqu'à freiner la croissance de certaines parties de son anatomie qui prouvaient qu'elle était une femme sur le plan génétique.
Qu'est-ce qui l'empêchait, là tout de suite, de se rendre dans ladite chambre et de s'allonger auprès de l'homme qu'elle aimait, sans le réveiller, et de le regarder dormir pour ensuite partir avant qu'il n'ouvre ses beaux yeux. Et même si elle ne partait pas tout de suite, et restait jusqu'à son réveil, que se passerait-il ? Hurlerait-il de surprise, la tuerait-il sur le champ ou toute autre chose que son cœur amoureux ne voulait surtout pas imaginer. Et d'autres éventualités qui la faisait frissonner sur ce toit en pleine nuit, des actes et des paroles qui ne seraient possibles que dans ses rêves.
Elle se releva, debout en équilibre sur le haut du toit alors que le vent s'engouffrait dans ses cheveux. Une dernière larme coula sur sa joue, qu'elle laissa mourir, avant de descendre en silence. Le chemin pour se rendre aux dortoirs passait forcément devant cette porte qu'elle rêvait de franchir, et elle s'arrêta devant, y apposant sa main sans un bruit, guettant un mouvement à l'intérieur. Rien, juste une respiration lente et paisible, il dormait. Tsukane continua sa route sans un regard en arrière. De nombreuses journées, une multitude de nuits s'écouleraient ainsi, la laissant prisonnière de cet amour à sens unique.

Aaliyah – More Than A Woman

Vingt ans. La jeunesse, l'insouciance, les tempéraments fougueux et les corps qui s'échauffent. La future Yon Seki profitait pleinement de tous les aspects de sa vie d'étudiante à l'Académie, enfin libérée du joug de ses parents et du jugement de ses deux cadets. La journée, elle suivait les cours avec application, étudiant le kido, les tactiques de combats et la stratégie, montrant sa valeur lors des entraînements au zanjutsu et au hakuda bien qu'elle préférait largement la voie de la lame. La nuit, c'était différent. La rouquine ne restait que très rarement dans sa chambre à dormir, trop insatiable de cette vie nouvelle qui s'offrait à elle. Les plaisirs de la nuit aussi différents soient-ils que ceux du jour, lui ouvraient une nouvelle voie... peut être bien moins sage, sous le regard bienveillant de l'astre dont elle portait le nom. De la studieuse jeune femme, plus aucune trace, laissant place à la chasseresse impitoyable, choisissant sa proie avec minutie.
Respirations saccadées, mains qui se frôlent sur deux corps bouillants au détour d'un couloir vide. Rien de plus normal que deux corps à l'unisson. Ses mains courant sur le corps de l'autre, s'aventurant sur ces endroits qui le font frémir, mais rien de trop osé, laisser l'idée germer dans son esprit. Elle sait que ce n'est pas de l'amour, juste du désir, mais son cœur ne peut s'empêcher de battre à tout rompre quand leurs yeux se rencontrent, avant de se refermer, la bouche entre-ouverte, réaction suscitée par les doigts de la jeune femme parcourant une peau si douce, si sensible.
L'errance empressée dans les couloirs à la recherche d'une porte ouverte, la pénombre de la salle de cours qui était remplie la journée dissimulant ces deux corps affamés. Les vêtements avaient volés bien vite aux quatre coins de la pièce déserte pour laisser place au désir pur. Deux corps se mouvant l'un contre l'autre, l'un dans l'autre, sous les soupirs échappés de leurs lèvres. Mais l'esprit de la rouquine vagabondait déjà ailleurs, imaginant contre elle un autre homme, un autre corps. Ce n'était pas les mains de ce jeune homme qu'elle ne connaissait même pas, mais celles de celui pour qui son cœur battait qui parcouraient sa peau, la faisant frémir d'un désir de plus en plus grand.
Chose étrange, elle ne voyait plus vraiment son partenaire, mais celui qui hantait ses rêves. C'était sa voix qui en demandait plus, son torse qui se pressait contre le sien, son doux visage sous les affres du plaisir. Un rêve, son rêve, celui qu'elle souhaitait plus que tout se voir accordé. Être dans les bras de l'homme, le sentir en elle, l'entendre lui murmurer tous les mots qu'elle fantasmait....ou juste pouvoir se blottir contre lui après des ébats de passion brute. Être sienne, sans aucune limite...
Mais son corps la rappela à la réalité, alors que les mains de l'étudiant se plaçaient sur ses hanches pour la diriger un peu plus, plus profondément, plus violemment. Elle ne connaissait pas son nom et s'en fichait royalement de toute façon, il n'était qu'un jouet entre ses mains habiles. Ce n'était pas lui qu'elle voulait, qu'elle désirait, mais son corps réclamait des choses bien plus réelles qu'un simple désir d'adolescente. Son cœur battait aux rythmes des vagues de plaisir qui montaient, toujours plus violentes, alors que son corps réagissait à ces mouvements si primitifs, si instinctifs.
Pourquoi lui après tout ? Il ne lui ressemblait même pas, ils n'étaient pas dans les mêmes classes, non il avait juste eu le bonheur ou le malheur, selon le point de vue, de croiser le chemin de la future Yon Seki. Elle n'avait pas encore la réputation de guerrière, ni celle d'être une croqueuse d'hommes, cela ne viendrait que bien plus tard. Ses ongles griffèrent sans aucune tendresse le torse et le dos de l'autre académicien, il n'était rien pour elle, juste un support où dessiner le corps et le visage du Jû Ichi Ban Taï San Seki.
Tout s'accélérait, lui en elle, leurs respirations, leurs cœurs, et tout se fit soudainement plus clair dans son esprit. Si elle ne pouvait connaître la petite mort dans les bras de celui qu'elle chérissait, tout homme serait potentiellement un remplaçant. Tous sauf un bien sur. Eux c'était différent, c'était bien plus qu'une relation passionnelle et fugace, au détour d'un couloir ou au retour d'une soirée un peu trop arrosée.
Il se libéra en elle dans un dernier soubresaut, gémissant pitoyablement son plaisir, alors qu'au bout de quelques secondes elle se libérait de lui. Ne plus le sentir contre elle, ne plus avoir à supporter cette proximité. D'un regard, elle observa ce corps qu'elle avait eu contre elle pendant un peu trop longtemps à son goût. Non, vraiment elle ne voyait rien en lui qui avait pu lui rappeler cet homme qui la hantait depuis des années.
Le plaquant violemment au mur le plus proche, elle lui fit jurer de ne rien dire à propos de leur brève étreinte sous la menace d'une mort dans d'atroces souffrances si jamais il se parjurait. La demoiselle récupéra ses vêtements et se rhabilla prestement, voulant mettre le plus de distance entre ce pauvre type qui avait croisé sa route un soir où elle s'ennuyait et elle. Tsukane quitta la salle vide sans se presser, sans hâter ses pas, elle n'était absolument pas gênée de ce qu'il venait de se passer et ne craignait en rien d'être surprise sur le fait. La peur était pour les faibles, y comprit celle d’être puni, et ne faisait pas partie du caractère de la toute jeune femme. Se faufilant à travers les couloirs vides de l'Académie, elle avait reprit le chemin des dortoirs dans un silence parfait.
Elle pouvait entrevoir par les fenêtres le ciel s'éclaircir, d'ici quelques heures les étudiants et les professeurs marcheraient dans ces couloirs encore vide à cette heure. Elle savait exactement où elle se rendait, n'hésitant pas un seul instant sur la direction à prendre. Le visage de celui qu'elle avait séduit pour une brève étreinte s'estompait déjà dans sa mémoire, il ne serait bientôt plus qu'une ombre sur son tableau de chasse pour le moment peu imposant. Les lueurs du jour coloraient le ciel de teintes orangées mais elle ne s'en souciait pass vraiment, l'endroit qu'elle cherchait était devant ses yeux.
Elle fit coulisser la porte en silence, ne voulant pas réveiller l'occupant de cette chambre encore plongée dans la pénombre. Il avait l'air si paisible, si calme, il semblait dormir bien pour une fois. Ses longs cheveux bruns formaient un rideau disparate sur son visage, mais la rouquine savait qu'il était encore assoupi à sa respiration lente et posée. S'approchant du lit du jeune homme, elle remonta la couverture sur lui et dégagea un peu son visage. Il ne savait rien de ses escapades nocturnes, et il n'était pas encore prêt à en être informé...Si innocent, si pur, son contraire et pourtant...Il était son meilleur ami depuis deux ans déjà, malgré tout ce qui les séparait. Et elle s'était fait un devoir de veiller sur lui depuis qu'il lui avait apprit le secret de son enfance, cette terrible chose qu'il lui était arrivé. Non il n'était pas encore tout à fait prêt pour savoir la raison des ballades nocturnes de la jeune femme.
Roturière et noble, le duo le plus improbable et le plus insolite, qui pourtant faisait merveille. Leto n'était pas aussi strict que sa naissance le lui imposait, du moins pas avec elle, et la rouquine avait apprit à agir un peu plus délicatement à son contact, du moins quand il était là. Les contraires s'attirent, c'était ce que disait le dicton populaire, la demoiselle ne pouvait qu'approuver. Même si elle ne comprenait pas pourquoi les règles de vie de la noblesse étaient aussi strictes, aussi pesantes, elle préférait ne rien dire. Il bougea un peu dans son sommeil, sans toutefois se réveiller, et elle sourit.
Il ne savait pas qu'elle venait parfois veiller sur son sommeil, surtout après qu'il lui ait parlé de ces cauchemars récurrents, et elle préférait garder cela pour elle, comme un trésor sur lequel on veille jalousement. Peut-être un jour le lui avouerait-elle, mais pas pour le moment, ils étaient encore trop jeunes et toujours étudiants. Un jour ou l'autre elle le lui dirait de toute façon, tout comme ce qu'elle avait trouvé dans les rayonnages poussiéreux de la bibliothèque. Mais pour le moment elle préférait l'observer dormir, insouciant, avant qu'une nouvelle journée de cours commence. Dans quatre ans ils entreraient dans des divisions, au service de la Cour, et seraient très certainement séparés. Un noble n'entre pas dans la division des barbares qu'elle briguait, tout comme une roturière ne peut décemment pas servir sous les ordres du noble capitaine Kuchiki.
Parfois elle aurait voulu partir loin du Seireitei, loin de leur monde, pour essayer d'oublier le regard si beau de cet homme qui la hantait, et emmener le jeune noble avec elle. Pouvoir juste vivre pour eux, sans se soucier des autres, juste la liberté d'agir comme bon leur semblait. C'était le genre de propositions qu'on faisait à un amant en temps normal, mais la fuite avec lui serait bien plus rassurante qu'avec n'importe quel homme. La rouquine se releva sans un bruit après avoir déposé un petit baiser sur le front de son ami, et sortit de la chambre, refermant la porte derrière elle. Dans quelques heures les cours commençaient, elle devait se changer et se préparer à une nouvelle journée harassante.
S'adossant un instant au mur à côté du panneau qu'elle venait de fermer, elle ferma les yeux. Son corps portait encore l'odeur fugace du plaisir de cet homme dont elle ne se souvenait plus du visage, légèrement courbaturé aussi. À la fin de leurs études ils seraient séparés, et leurs vies reprendraient leurs cours, lui le noble et elle la roturière née au Rukongai. Elle ne voulait pas imaginer quelles seraient leurs relations dans l'avenir, comment ils devraient agir si d'aventure ils devaient opérer ensemble. Tout serait tellement plus simple s'ils partaient maintenant, loin de tout et tous, vivre à deux dans le monde des humains par exemple. Mais supporterait-il d'être séparé des siens ? Pourrait-elle oublier cet homme qu'elle avait vu pour la première fois alors qu'elle n'était qu'une enfant ? Soupirant, elle reprit sa marche jusqu'à sa propre chambre, alors qu'une larme coulait sur sa joue.
Un dernier coup d'oeil dans le miroir avant de s'habiller, elle vit son visage ravagé par les larmes et ferma les yeux pour se laisser glisser au sol. Comment oublier celui qui faisait battre son cœur, cette idée d'être un jour dans la même division que lui qui la poussait à se surpasser chaque jour ? Tsukane essuya ses larmes et passa son uniforme, les cours commençaient dans quelques minutes, elle ne pouvait pas être en retard.

Barbra Streisand – Memory

Toujours le même rêve qui revenait, nuit après nuit, alors qu'elle était maintenant à une année de la fin de l'Académie. Un paysage de contes pour enfants, un lac paisible baigné par le clair de lune et cette lumière argentée glaciale. Rien ne bougeait, le silence régnait presque en maître, seulement dérangé par le bruit cyclique de l'eau. Depuis plus d'un mois, la jeune fille rêvait de cet endroit qu'elle connaissait sans jamais l'avoir vu réellement, familier et pourtant inconnu. Elle avait le sentiment qu'il se passerait quelque chose, sans savoir pour autant quoi exactement.
Un lac au clair de lune, des nénuphars et des lotus se laissant bercer par le léger mouvement de l'eau, le chant des oiseaux de nuits. Au début elle était restée loin, puis s'était finalement aventurée plus près, allant jusqu'à s'asseoir au bord de l'eau pour y plonger ses pieds. Une jeune femme d'une beauté irréelle, aux cheveux blancs comme la neige, sortait alors de l'eau et prenait place à ses côtés, un doux sourire sur les lèvres. Bien que surprise, la jeune shinigami ne disait mot, préférant garder intact ce silence qui durait jusqu'à son départ quelques heures plus tard. Après quelques mois, l'apparition avait commencer à murmurer des mots à Tsukane, incompréhensibles d'un prime abord, puis de plus en plus clairs.Elle lui disait de ne pas l'oublier, de se souvenir...
Puis la naïade la prenait dans ses bras, étreinte douce comme celle d'une mère, froide comme le métal, et elle lui souffla à l'oreille son nom. Les premiers temps, la rouquine n'entendait qu'un murmure vague sans signification. Et la demoiselle aux longs cheveux argentés repartait d'où elle était venu, sans rien ajouter. Tsukane restait assise là pendant un bon moment avant de se réveiller, plus sereine et reposée que bien des nuits où elle n'avait pas ce genre de rêves.
Elle n'avait parlé à personne de ça, pas même à Leto, personne n'aurait pu comprendre ce qu'il se passait de toute façon. Ce n'était a priori qu'un rêve parmi les autres,plus étrange certes mais plus reposant. En sortant ce soir-là de l'Académie pour aller marcher dans le Rukongai, elle n'y pensait plus, trop occupée à chasser de ses pensée un certain homme. Et le vent s'était levée soudainement, alors que le paysage autour d'elle s'était brutalement changé en celui de son rêve, l'enveloppant dans les senteurs nocturnes des nénuphars et du jasmin.
Debout au milieu du lac, elle chercha du regard la beauté argentée qu'elle avait déjà tant vu, avant que celle-ci ne sorte de l'eau à ses pieds pour se hisser sur le rocher plat où la future Yon Seki se trouvait. Une nouvelle fois, elle la prit dans ses bras, son contact glacé faisant frissonner la shinigami, son souffle chaud embaumant les fleurs de ce paysage féerique venant à son oreille pour y laisser entendre:L'apprentie shinigami sourit à sa compagne, ne brisant pas le silence, puis porta la main à son zanpakuto, une chaleur réconfortante s'enroula presque instantanément autour de son bras, comme pour l'attacher plus solidement. Elle enleva l'arme de son côté et s'aperçut qu'il n'était plus simple comme ceux des apprentis. Les teintes bleutés brillaient sous le clair de lune, et le petit lotus qui était désormais incrusté près de la garde étincelait de toutes ses forces.
Le lotus qui éclot, mais pas n'importe lequel : un lotus sacré, symbole divin, la pureté, la beauté, la capacité à grandir dans les milieux les moins appropriés. Était-ce une simple coïncidence pour une jeune fille se destinant au service de la Onzième Division, ce lieu de mâles emplis de testostérone peu adapté à une frêle jeune fille. Tsukane se tourna vers celle qui serait sa partenaire pour le reste de sa vie, lui sourit et la serra brusquement dans ses bras.
Elle sortit l'arme de son fourreau sur quelques centimètres, jeta un regard à sa compagne, puis déposa un léger baiser sur la lame. Le serment était fait et l'esprit du zanpakuto se liquéfia en un millier de petites gouttes d'argent pour s'incarner dans la lame.
Sur son ventre, une brûlure sourde mais presque indolore, presque rassurante, alors que sur la peau fine de son aine se gravait le même lotus qui se trouvait sur le fourreau. La jeune fille se leva doucement, regarda encore un instant le paysage paisible, puis ferma les yeux comme pour s'endormir. Le paysage du Rukongai revint devant ses yeux, plus aucune trace de ce lac qui se trouvait au plus profond de son cœur et retourna en courant à l'académie. Elle avait hâte d'essayer son arme, bien qu'elle n'en connaissait pas encore la forme.
De longues griffes d'argent sertissaient la main droite de la rouquine pendant l’entraînement, elle avait surprit tous les autres en invoquant son shikai alors que peu en étaient capable. Les lames posées sur la gorge de son adversaire du jour, elle souriait à pleines dents, émerveillée des pouvoirs de sa compagne. Le sang, leur élément, et le contrôle qu'elle avait dessus en empêchant la coagulation...Si certains disaient qu'il s'agissait d'un pouvoir de type kido, d'autres, bien plus nombreux, affirmaient que cette capacité était purement physique et lui ouvrait grandes les portes de la division sur laquelle elle avait arrêté son choix. Bientôt elle serait un membre de la division de l'Achillée.
La nuit, elle passait de plus en plus de temps allongée sur les toits de l'Académie, à contempler l'astre lunaire. Une de ses mains se plaçait alors sans qu'elle y fasse vraiment attention sur Hasugin'ori, tandis que la chaleur familière remontait dans son bras. Si elle pouvait compter sur quelque chose, c'était sur la présence de sa compagne à ses côtés, quoi qu'il arrive, pour toujours... La shinigami et l'âme du zanpakuto se ressemblaient autant qu'elles se dissociaient, la force de leur union et de leur fusion devait certainement venir de là. Comme si l'arme avait compris qu'on parlait d'elle, la chaleur s'intensifia légèrement, remontant jusqu'à la nuque de Tsukane comme un serpent. Tombant dans une torpeur bienfaisante, Tsukane quitta le monde réelle pour revenir au lac nocturne de son monde intérieur.
Tranquillement allongée sur un rocher au milieu du lac onirique, la naïade n'avait même pas ouvert les yeux à l'arrivée de sa "propriétaire". Tout les opposait, leurs caractères, leurs physiques, leurs idées, et pourtant leur union était presque parfaite, réunies par la soif des combats et du sang. Le plaisir qu'elles prenaient l'une et l'autre lors des affrontements ne faisait que consolider leur fusion L'arme se retourna paresseusement, se mettant sur le ventre pour offrir sa peau blanche aux rayons de la Lune. Sa tête perça la surface de l'eau en de grandes éclaboussures, ses longs cheveux surnageaient autour d'elle comme un voile rouge sang. La lueur de la lune donnait à la scène une allure presque sinistre si le paysage n'avait pas été aussi magnifique.
La délicate âme laissa sa main caresser la surface de l'eau à peine troublée par l'arrivée de sa rouquine préférée. Son reflet lui renvoyait l'image d'une délicate créature aux longs cheveux blancs comme la neige, les yeux rouges comme le sang ressortant à merveille sur sa peau diaphane. Les biceps ceints de bracelets larges en argent, son corps était à peine dissimulé par un fin voile blanc, retenu sous la poitrine par un lien lui aussi argenté. Ses ongles percèrent la surface de l'eau et cueillir un lotus rouge qui poussait non loin, et Hasugin'ori le plaça dans ses cheveux, relevant avec grâce quelques mèches. Elle secoua rapidement sa main pour laisser tomber les perles d'eau au bout de ses doigts, ses ongles cliquetant sous le mouvement. Ils étaient fait d'argent pur, et poussaient selon la volonté de leur propriétaire.
La rouquine se rapprocha du rocher, cueillant au passage un lotus blanc. Tsukane s'installa à côté de Hasu' sans prononcer quoique ce soit, perdue dans ses pensées, pendant que ses doigts jouaient avec la tige du la fleur. Elle ne bougea pas lorsque l'âme incarnée s'appuya contre elle, ni lorsque leurs deux peaux se touchèrent. Elles étaient unie et séparées, différentes et semblables...Laissant l'une de ses mains se poser doucement sur la chevelure blanche pour la caresser, elle emporta au passage quelques mèches de ses longs cheveux roux. Le rouge et le blanc...leurs couleurs, leur façon d'être...
Elle ne savait pas où elle avait vu ce texte, ou comment elle s'en rappelait, mais c'était leur réalité. A deux, depuis bien longtemps et pour l'éternité à venir, l'une et l'autre au cœur des combats, du sang, la lumière de leur astre les guidant d'affrontements en carnages, Hasugin'ori s'élevant pour détruire, Tsukane sombrant dans la haine et le doute. Elle ne savait pas par quoi commencer, comment expliquer à cette créature irréelle des choses si compliquées, des sentiments qu'elle-même avait du mal à comprendre. Prenant dans sa main libre celle de sa compagne, elle déposa un doux baiser sur son crâne. Garder le silence encore quelques instants, juste rester immobiles pour un bref moment.
Et si Tsukane perdait un affrontement? Hasugin'ori ne laisserait jamais faire ça, dusse-t-elle prendre le contrôle du corps de la rouquine si cela était possible, dusse-t-elle tuer tout obstacle pour protéger sa partenaire...pour les protéger elles! L''instinct de survie, de sauvegarde, il était bien plus puissant chez le zanpakuto que chez la shinigami, mais leur désir de sang était le même. Les combats, le sang, leur vie. Elles étaient une, le reste ne comptait pas...même Lui...De sa main libre elle prit délicatement celle de la jeune femme contre elle et y déposa un baiser, plus léger qu'un papillon. Et si Tsukane prenait les mauvaises décisions? Elle la suivrait bien entendu, mais à quel prix...Peu à peu elles perdraient pied, peu à peu le danger se ferait plus grand...les obstacles ne les effrayaient plus vraiment. Au plus profond du cœur de sa maîtresse, elle sentait ce sentiment qui troublait l'eau du lac. L'amour...pour cet homme qu'elle n'avait vu qu'une ou deux fois, qui ne connaissait sûrement pas son nom ou son existence...
Tsukane sourit doucement à l'âme de son arme. Elle savait très bien les questions que sa compagne n'osait pas poser. Et si elle mourrait lors d'un affrontement à venir?Nul besoin de hausser la voix, ni de regarder en face sa partenaire, elle s'était contentée de lui murmurer à l'oreille, leur mode de communication principal. Se relevant doucement, elle jeta un dernier coup d’œil au paysage magique: il se passerait sûrement un bon moment avant qu'elle puisse à nouveau y pénétrer, autant capturer les couleurs, les odeurs, les sons au maximum. Hasugin'ori resta assise, ne levant même pas les yeux, jouant avec ses longs cheveux, alors que la future Yon Seki plongeait dans l'eau paisible du lac. Le froid l'entoura brièvement avant qu'elle réintègre le monde réel. Ouvrant les yeux comme si elle sortait d'un rêve, elle se réhabitua à la vision routinière du Seireitei qui s'étendait à ses pieds.
Sa décision était prise...Pour elles, tout allait changer, mais la jeune femme continuerait de suivre sa voie, son chemin, même si celui-ci se recouvrait de sang et de douleur sur son passage. Alors qu'elle réfléchissait à un plan d'action, le lotus blanc que sa compagne avait glissé dans ses cheveux tomba sur ses genoux, se calant dans le creux de son hakama avant de se mettre à briller. La rouquine l'effleura du bout des doigts et les doux pétales se liquéfièrent, remontant le long de sa main pour suivre la courbe de ses doigts avant de disparaître. Un fin sourire sur les lèvres, Tsukane se releva, de nouveau sure d'elle et de sa force. Le prochain qui croiserait son chemin risquait de s'en souvenir et de regretter amèrement cette rencontre...
L'entrée à la Onzième Division n'avait pas été simple, mais sentir à ses côtés sa compagne l'avait bien plus rassuré que tout le reste. Lorsqu'elle croisait le troisième siège dans les premiers temps, sa main se portait instinctivement à son zanpakuto, non pas comme un geste de défiance mais plutôt une recherche d'un réconfort quelconque. Et Hasugin'ori y répondait, pulsant d'une chaleur sourde dans la main de sa propriétaire. De nombreuses nuits où la jeune shinigami ne trouvait pas le sommeil, elle sortait s'asseoir sur un toit et regardait la lune, la main posée sur la lame de son arme, observant les reflets de la lumière sur le métal. C'était une nuit comme celle-là qu'elle avait vu Madarame-sama sortir de sa chambre pour marcher à travers la division, sans but précis, déambulant juste au milieu des bâtiments.
Elle le suivit du regard, son coeur battant à tout rompre, dans un silence parfait. Elle aurait voulu avoir un peu plus de courage, profiter de cet instant tranquille pour aller le voir, mais ne bougea pas. C'était tellement plus simple de rester là, le regarder sans jamais rien espérer en retour. Elle n'était qu'un visage dans la foule, un être parmi les autres...La chaleur dans son bras se renforça, remontant jusqu'à ses épaules comme si Hasugin'ori la serrait dans ses bras.
Parfois elle aurait aimé ne jamais le voir quand elle était encore enfant, ne jamais être restée stupéfaite devant cet homme si beau et si détendu. Inutile d'expliquer ce qu'elle lui trouvait, on ne pouvait pas mettre de mots là-dessus. Ça l'avait prit au ventre, écrasant son coeur, occupant toutes ses pensées, nuit et jour, sans cesse, sans relâche, et c'était en partie ce qui l'avait motivée à entrer à l'Académie. Mais sa soif de sang et de combats avait fait le reste, faisant d'elle une de ces créatures androgynes : une mentalité d'homme dans un corps un peu près féminin. Son chemin avait été tracé le jour où elle l'avait vu, la découverte de celle qui serait sa compagne n'avait fait qu'appuyer son choix.
S'allongeant sur le ventre, la main droite caressant lentement la garde de son katana et la gauche soutenant son menton, elle l'avait regardé s'asseoir et observer le ciel, fort heureusement dans la direction opposée à sa position. La naïade avait soufflé à son oreille des mots de réconfort et d'autres d'avertissement, sous-entendant parfois qu'elle ne devait pas se détourner de leur voie de sang pour une chose aussi triviale que l'amour. Mais aussi la compréhension et la tendresse d'une soeur, d'une jumelle, d'un autre elle. Un vent frais caressait ses épaules, comme si l'âme se trouvait près d'elle, passant sa main sur sa peau.
Cette nuit là elle s'endormit sur le toit, les premiers rayons du jour la réveillant. Plus aucune trace du troisième siège mais une couverture avait été posée sur elle. Hasugin'ori à son côté, elle se leva et partt rejoindre la salle commune où avaient lieu tous les repas. Ensemble, elles étaient plus fortes que n'importe qui...Ensemble, elles ouvriraient leur voie, dans le sang et la mort...

Tantric – Down and Out

Du sang, partout, encore plus qu'elles n'auraient pu en rêver, dégoulinant sur elle alors que son sourire s'élargissait. Vraiment, les missions sur Terre contre des Hollows était un réel plaisir, surtout quand Tsukane était envoyée seule. C'était un des rares moments où elle pouvait vraiment s'amuser et laisser libre cours à sa soif sanguinaire. Ses longues griffes gouttant la chair impie du monstre, les cris rauques et sourds qu'il poussait suite aux innombrables coupures. Son style de combat changeait tellement lorsqu'elle invoquait son shikai, elle aimait devoir aller ainsi au contact pour donner la mort, exultant lorsqu'ils disparaissaient en poussière dans un dernier cri.
De la créature calme et pondérée qu'on pouvait croiser au sein du Seireitei, il n'en restait que l'apparence. La jeune femme savait tellement bien dissimuler cette soif irrépressible, ce besoin presque vital de violence, de colère, de sadisme pur qui se dévoilait en face d'un ennemi, d'un adversaire réel. En entraînement, ils ne voyaient que ce qu'elle voulait bien leur montrer, une touche délicate de colère et une pincée de sadisme dans un comportement tout à fait normal d'un siège de la Onzième Division. Même aux plus proches, elle ne dévoilait rien d'autre que ce côté sauvage mais lisse, dissimulant comme toujours le monstre qui se cachait si bien derrière les deux émeraudes de son regard. Elle n'avait pas besoin d simuler une gentillesse quelconque, sa façon d'être, son caractère, ses agissements faisaient d'elle un des tueurs si dangereux de la division de l'Achillée.
Même devant lui, cela ne changerait rien. On ne change pas un tigre en chaton d'un claquement de doigts, on ne transformerait pas Tsukane en jeune femme apeurée par la moindre goutte de sang. Ses lames chantaient une mélopée mortelle, celle de l'agonie, alors que ses victimes se vidaient de ce liquide vital, la laissant seule, debout au milieux des flaques sinistres et rougeoyantes. Ça, personne ne pouvait comprendre ce qu'elle ressentait en es instants précis où le corps de l'autre chutait au sol, presque exsangue, alors qu'elle se tenait là, resplendissante de cette beauté mortifère, son corps intact malgré les nombreux coups qu'elle avait subis. Peau blanche et lisse sous tout ce rouge, sourire franc et affable, l'argent de ses griffes se matérialisant au bout de ses doigts graciles pour plonger au cœur de la chair.
Non, personne ne l'avait vu comme ça, ou ils étaient déjà morts. Ses parents, ses frères, Leto ? Aucun n'aurait pu deviner que sous ce masque de tranquillité et de fin bretteur se cachait l'un des êtres les plus sadiques du Seireitei, son propre taisho mis à part. Peut-être était-ce sous l'influence des carnages de cet homme qu'elle avait ainsi évolué, même si à l'Académie déjà elle ressentait ce besoin impérieux d'enfoncer le boken au tréfonds des entrailles de ses opposants. L'envie de faire sortir tout le sang de leurs corps, ou de les détruire jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'une bouillie informe et pourpre. Mais elle se contenait, les assommant juste d'un coup final sur la nuque, les regardant tomber au sol avant de simplement retourner s'asseoir, un sourire fin sur son visage juvénile.
Peur d'effrayer ceux chers à son cœur ? Il y a de ça oui, une grande peur de se retrouver seule, d'être rejetée, mais aussi celle plus viscérale d'être exclue de l'armée de la Cour, de devoir partir loin de lui, parce qu'elle ne correspondait pas aux critères du soldat lambda. Et c'était pour cela qu'elle ne se laissait aller à cette soif de sang que lorsqu'elle était seule, ou seulement en présence d'ennemis. Un vampire à la Dracula ? Absolument pas, juste le désir de carnage toujours plus puissant, agissant comme une drogue sur ses sens. Plus de douleurs, plus de fatigue tant physique que morale, plus de peine ou de tristesse, juste un corps plein d'énergie et un esprit plus clair que jamais. Et elle se cachait aux yeux de tous de cet état si sublime.
Le goût du sang était unique sur la langue, amer comme le métal d'une lame, et suave comme un alcool sucré, sa chaleur alors qu'il sortait à peine d'un corps le rendant bien plus savoureux que s'il avait été froid et sans vie. C'était presque devenu un jeu pour la jeune femme, faire sortir le fluide vital de la manière la plus violente, la plus sauvage possible, et le regarder peindre sur les peaux, sur le sol, en arabesques sinueuses ou en lignes sirupeuses. Les yeux de la demoiselles s'éclairaient d'une lueur affamée, elle en voulait toujours plus, et bien souvent ses victimes finissent exsangues, avant de trépasser.
Elle rentrait alors à la Soul Society, couverte d'un sang qui n'était pas le sien, regardant les autres shinigamis l'observer avec dégoût et inquiétude, alors que les médecins, Sohan en tête, essayaient de la persuader de se laisser soigner. Combien de fois elle avait manqué d'en tuer un, encore prise dans cette euphorie sanguinaire des retours de combat. Puis Tsukane rentrait dans sa Division, chez elle, sous les regards envieux de ses camarades. Son regard à elle revenait doucement à la normale, l'émeraude prenant pas sur l'argent de sa folie meurtrière. Et toujours le même rituel : présenter ses hommages et son rapport oral au taisho, aller déposer Hasugin'ori avec ses affaires, éviter soigneusement de croiser le San Seki, et aller au plus vite se débarrasser de tout ce sang.
L'eau brûlante coulait sur sa peau, effaçant petit à petit cet habit rouge qu'elle aimait tant, dévoilant une peau lisse et nacrée, sans aucune marque. Son énigme, celle que tous se posaient : comment se pouvait-il qu'elle n'ait strictement aucune cicatrice, alors que même les plus hauts gradés en possédaient. Sa seconde capacité, celle de prendre le sang de ses victimes pour se soigner...
Dans les volutes de vapeur, son esprit retrouvait son calme apparent, son cœur retrouvait un rythme décent...et ses pensées se remettaient à vagabonder, retrouvant celui qu'elle aimait...L'éviter lorsqu'elle rentrait couverte de sang était une mesure nécessaire, non pas pour ne pas lui faire peur...mais pour ne pas lui sauter dessus et l'embrasser, le faire sien...
Non, personne ne devait savoir...personne ne saurait...

Static X – The Only

La Onzième Division...La division des monstres sanguinaires, assoiffés de combats et d'affrontements en tout genre...Les dégénérés, les débiles au cerveau atrophié, les drogués à l'adrénaline et à la testostérone...Les grosses brutes...Le royaume du taisho psychopathe, de la gamine débile, du crâne d’œuf et du bellâtre...Des pachydermes ne connaissant pour art que la nature morte, voir l'art brut, la dégénérescence de ses membres n'ayant d'égal que l’éternel foutoir qu'est l'organisation de la 11ème division...La division des adeptes du ''je frappe sans réfléchir'', une division à l'image du grand stratège qui la dirige.
Tout autant d'expressions dévalorisantes, d'injures, de stéréotypes qui courraient sur eux, les véritables guerriers de la Cour, la main armée qui n'avait pas peur d'agir. Si l’Achillée était un symbole de guérison, il était aussi celui de la fidélité totale que ses membres ont envers leur Taisho. Sous le commandement du capitaine Zaraki, n'importe lequel des membres de cette division aurait donné son arme et sa vie, pour mourir sous ses ordres. ''La victoire ou la mort'', leur devise, leur raison d'être. Il était bien plus normal après tout de mourir parce qu'on avait perdu, plutôt que de rentrer couvert de plaies en avouant qu'on avait été perdant. Une fierté bien plus normale que celle dont s'enorgueillissaient les nobles. Contrairement à ce que tous croyaient, on y trouvait aussi bien plus de personnes sachant réfléchir et appliquer des stratégies que dans les autres divisions, puisqu'ils mettaient leur vie en jeu à chaque fois.
Depuis plus de quarante ans, c'était l'endroit qu'elle considérait comme chez elle. Kenpachi-sama y incarnait une figure paternelle bien plus présente et bien plus efficace que celle de son propre père, et pour rien au moins elle n'aurait fait quoi que ce soit pouvant le décevoir ou lui faire regretter ses décisions la concernant. Il l'avait accepté au sein de la division, l'avait promue quatrième siège, lui avait confié les tâches administratives, et elle ne devait pas le décevoir. Tout comme elle ne pouvait pas se permettre de céder un seul instant face au comportements des autres hommes de la division, mi-envieux, mi-injurieux.
Ils lui en avaient fait baver à son entrée, la harcelant de propos plus que déplacés, la traitant de moins que rien, lui volant ses vêtements de sorte qu'elle se retrouvait à travers la division en petite tenue voir pire pour aller tabasser les fautifs. Au début elle en avait hurlé de rage, de colère et de frustration, puis elle avait apprit. Rendre coup après coup, insulte après insulte, bravade après bravade, jusqu'à ce qu'ils apprennent à la respecter un minimum sur le plan personnel. Sur un plan plus professionnel, elle leur avait démontré plus d'une fois sa force et sa capacité à les achever, tant au boken qu'en situation ''réelle''. Ils ne soupçonnaient pas ce petit bout de femme, cette fillette, d'être capable d'un acharnement et d'une tactique plutôt impressionnants pour son jeune âge, tout comme ils n'avaient pas comprit de suite les capacités de son zanpakuto.
Une fois, une unique fois, elle avait vu son taisho afficher un fin et discret sourire après qu'elle ait remis à sa place, zanpakuto à la main, l'un de ceux qui l'avaient traitée de ''petite mijaurée''. Et ce simple signe avait suffit à réchauffer son cœur pour des semaines. Mais les brimades continuaient, et c'était sans plus aucune surprise qu'elle voyait que ses vêtements avaient encore disparu, que son lit avait été déplacé en plein milieu de la cour au petit matin, que son arme avait été accrochée au sommet d'un toit ou que son tour de corvée revenait bien trop souvent. Dix longues années à subir ainsi, la jeune fille avait apprit et s'était construite en réponse à tout cela. S’entraînant bien plus que tous les autres, vivant au milieu d'eux, elle ne se considérait presque plus comme ce qu'elle était pourtant, une femme. Dix longues années à ne plus cacher ce corps qui portait pourtant des courbes féminines caractéristiques, bien que discrète.
Au début oui, elle avait rasé les murs, trouvé des subterfuges pour récupérer de quoi s'habiller un minimum avant de récupérer ses affaires. Mais plus le temps passait, moins elle s'en souciait. Elle avait fini, au bout d'un ou deux ans, par travers les bâtiments dans le plus simple appareil, sans aucune gêne. Au milieu des hommes, elle avait apprit à se comporter comme eux. S'ils se montraient nus entre eux, elle ne devait pas faire de différence, ne pas être mise à l'écart. Elle avait aussi emménagé dans la chambre commune des shinigamis non gradés, dormant au milieu d'eux au lieu d'être seule, ''privilégiée'' dans une chambre à part. La seule chose qu'elle ne faisait pas était de prendre sa douche ou de se baigner avec eux, préférant largement utiliser la pièce qui avait été faite pour la fukutaisho. Il y avait un minimum à la propreté et la partie des hommes était bien trop souvent en dessous.
Dix ans plus tard, elle était un peu plus admise au sein de cette communauté qu'elle chérissait tant, même si certains comportements n'avaient pas vraiment cessés. On ne change pas tout du jour au lendemain, et l'arrivée de nouveaux divisionnaires s'étonnant de la présence d'une femme en ces lieux typiquement masculins avait tendance à relancer certaines vieilles habitudes. Mais la demoiselle leur ré-apprenait bien vite qu'elle n'était pas prête de partir, et les choses reprenaient leur cours. Elle fut finalement autorisée à assister aux soirées où le saké coulait à flot, sachant pertinemment que c'était une nouvelle manière de lui montrer qu'elle n'était qu'une femme incapable de tenir la moindre goutte d'alcool.
Les débuts furent ardus, et elle finissait dans un état proche du coma éthylique bien avant qu'ils n'aient le rouge aux joues. Mais petit à petit, elle avait repoussé ses limites, apprenant à contrôler l'ivresse pour rester maîtresse d'elle-même, allant parfois jusqu'à en défier un dans un duel bien plus alcoolisé que la morale ne l'autorisait. Bien sur, elle avait eu beaucoup de mal à s'imposer, à pouvoir sortir une blague salace sans qu'ils ne soient complètement choqués. Les années passaient et elle s'intégrait plus facilement, se faisant une place au milieu de ces hommes sanguinaires. Et tout doucement, elle avait pu devenir une partie tolérable de leur univers, un membre à part entière de la Onzième Division.
Une quarantaine d'années après son entrée dans la division, elle était devenue Quatrième Siège, le poste entre celui de Madarame-sama et celui d'Ayasegawa-sama. Elle y avait gagné un peu plus de respect de la part des autres hommes ainsi qu'un certain droit de paroles sur les affaires de la Division, qu'elle n'utilisait que rarement, ou quand l'un de ses supérieurs directs le lui demandait. Mais pour toujours, son coeur était à la Division de l'Achillée, sa maison, sa famille, l'endroit où son être était complet.