Sujet : The Host of Seraphim
Personnages : Amado Yoake – Kuchiki Byakuya
Statut : Achevé
Débuté le : Dimanche 17 Octobre 2010
Terminé le : Jeudi 17 Mars 2011

« La nuit, l’obscurité, la Lune. Une brutale étincelle, qui se transforme en flamme plus douce. Une inspiration. De l’herbe qui s’embrase, nouvelle source de lumière et de chaleur. Puis, la première source s’éteint, ne laissant que ce petit brasier… Le ciel se voila alors que la fumée du petit cône s’élevait lentement. La nicotine – ce n’était que du tabac – s’infiltra lentement dans les poumons de mon gigai. C’était une belle nuit. Pourtant, j’étais troublée… Troublée d’avoir revu ce garçon – un homme maintenant – que ma promesse me forçait à protéger. Depuis quand avait-il tant grandi ? Depuis quand étais-je devenue si négligente pour me laisser surprendre ainsi ? Enfin, ce n’était pas de ma faute si les petits garçons poussaient si vite. Un courant d’air chassa la fumée de ma cigarette, et je fermai les yeux, me laissant happer par mes souvenirs. »

Soul Society - Seireitei
Vers le début du XXème siècle

Un son mat s’échappa du sol alors que le corps svelte de la vizarde – c’était ainsi qu’ils appelaient ça maintenant « vizard »… ils n’auraient pas pu trouver mieux franchement ? Il était horrible ce nom – atterrissait dans l’herbe. Elle grimaça. Moins de bruit ! Cette étrange guerre l’avait rendu beaucoup trop audible dans ses déplacements. Ah ! Cela faisait quand même du bien de se mouvoir dans son corps spirituel sans gigai pour venir entraver les mouvements ! Bien entendu, elle pouvait sortir dans le monde réel en shinigami, mais ce n’était pas réellement la même chose qu’un monde spirituel n’est-ce pas ? Elle se redressa et fit rouler légèrement ses muscles sous son kimono noir et blanc. Aussitôt, elle sentit le frottement des sangles de quelques armes secrètes contre le tissu. Elle grimaça. Même si le Seireitei était en effervescence depuis quelques temps avec cette histoire avec les vizards – décidemment, elle ne s’habituerait jamais à ce nom – si elle se faisait prendre, elle risquait gros… Enfin, juste sa vie en fait. Petite chose.

Elle ignorait pourquoi Ginrei voulait la voir en ce moment, là maintenant. Si son message n’avait pas eu de marque d’urgence, elle avait bien su lire entre les lignes pour que cette rencontre se fasse le plus rapidement possible. Si elle n’avait pas pour habitude de s’alarmer inutilement pour un oui ou pour un non, elle ne pouvait s’empêcher d’avoir un mauvais pressentiment, se demandant si cela avait un lien avec elle et ces vizards… Après tout… Non, elle faisait « confiance » – dans le sens yoakenien du terme – à Ginrei. C’était lui qui lui avait sauvé la vie, et même s’il avait retourné sa veste pour une raison ou pour une autre, elle avait une dette envers lui et une vie en valait une autre. Cependant, Yoake ne pouvait s’empêcher de retourner cette possibilité dans son esprit. Et si Ginrei l’avait trahi ? Et si tout cela était un piège et qu’elle fonçait droit dedans, tête baissée comme le premier des imbéciles ? Mais elle n’avait pas le choix. Et si effectivement le Seireitei se préparait à se lancer à ses trousses, elle vendrait très chèrement sa peau.

La partie militaire du Seireitei n’avait pas tellement changé depuis la dernière fois où elle était venue. Les quelques bâtiments en construction étaient achevés et en service depuis un bon moment, d’autres s’étaient construits en plus et certains se programmaient encore. Se fiant à son instinct et à son sens de l’orientation, Yoake trouva rapidement le quartier des Hautes Familles de la Noblesse qui, lui, n’avait pas changé d’un pouce… Rien d’étonnant à cela. Les Nobles avaient tendance à être totalement réfractaires à l’évolution et au changement. Il était tôt le matin, et si elle aurait pu justifier sa présence dans les rues du Seireitei avec son uniforme et une identité toute préparée, il était quasiment impossible d’avoir une bonne excuse pour traîner dans les rues de ce quartier. Cependant, ce n’était pas un vrai problème. Etant habituée à ces visites clandestines – elles dataient même d’avant son exil –, ses pas retrouvèrent automatiquement les voies officieuses pour se rendre au manoir des Kuchiki.

Elle passa le mur d’enceinte sans encombre et prit la peine de vérifier que la rondes des gardes et des serviteurs n’avait pas changé. Elle attendit quelques secondes, tendant l’oreille. Rien. Tout était parfaitement chronométré, comme une chanson qu’on tournerait en boucle et qui n’aurait pas changé depuis des siècles… C’était si simple ! Quand elle disait que les Nobles étaient réfractaires au changement. Mais passons, dans le cas présent cela l’arrangeait bien. Elle fit un léger décompte mental avant de se faufiler sans le moindre bruit dans la bâtisse. Elle traversa des couloirs, des pièces vides à cette heure, des jardins, esquiva des gardes, des serviteurs et dut modifier légèrement sa trajectoire quand un groupe un peu plus important et exceptionnel lui barra son itinéraire habituel. Foutus Nobles. Puis, enfin, elle pénétra dans le jardin privé de son sauveur. Se glissant sans un bruit dans son dos bien qu’elle sut qu’il était au courant de sa présence, elle ronchonna quelque chose comme quoi il aurait pu la prévenir pour le détachement exceptionnel qui se baladait dans les couloirs à cette heure indue.

Un sourire se dessina sur le visage marqué par le temps de Ginrei. Il avait… vieilli, c’était indéniable. Les traits qu’elle avait connus si jeunes avaient perdu de leur fougue pour laisser place à cette sagesse qu’on ne pouvait avoir qu’avec le temps. L’avantage de la capacité de régénération de son hollow. Le temps semblait passer moins vite. Yoake prit place près de son ancien collègue et la discussion commença, à voix basse, comme au temps où ils programmaient les gens. En ce temps, il était l’amitié et le courage, ainsi que la rébellion. Et Ginrei le savait. Ayame devait mourir, emmenant avec lui ses rêves fous. Elle chassa ses pensées d’un léger mouvement de la tête. Il n’était plus question d’assassinat pour les Kuchiki à présent, mais quelque chose de plus grave à en juger par l’étincelle qui brillait dans son regard. Pourtant, il commença par lui donner quelques nouvelles, les gens qu’elle avait connus, menacé, la famille de ceux qu’elle avait tués sous ses ordres, en bon assassin qu’elle était. En retour, elle lui raconta la guerre entre les russes et les japonais, les nouvelles technologies, la logistique, cette étrange nouvelle forme de guerre, pleine de statistique, froide et impersonnelle comme les machines qu’ils utilisaient.

La discussion se prolongea, mais qu’un peu seulement. Les choses étaient sérieuses, et Yoake devinait sous son kimono les muscles tendus de son vieil ami. Et puis, sur un ton solennel et distant, Ginrei finit par lâcher ce pourquoi il l’avait demandé. Il fallait qu’elle paie sa dette à présent, qu’elle fasse une promesse. Une vie en valait une autre n’est-ce pas ? A présent, c’était à son tour de veiller sur une autre vie que la sienne, quitte à tout risquer pour elle, comme il avait tout risqué pour la sortir de sa prison, de nombreuses années auparavant. Son petit-fils, Byakuya de son prénom. Yoake protesta, plus pour la forme que par réel embêtement. Enfin, c’était une contrainte de plus et elle n’aimait pas ça. Mais dans son esprit, il n’y avait pas de quoi protester. La matinée était un peu avancée maintenant. La vizarde demanda à voir son nouveau protégé. Ginrei acquiesça, que pouvait-il dire d’autre ? Elle n’en ferait qu’à sa tête. Il se leva. Il ferait les présentations. Non… Yoake voulait s’en charger seule. Elle extorqua le lieu où il se trouvait au chef des Kuchiki et, après l’avoir saluée avec respect, c’était glissée de nouveau dans le manoir.

L’adolescent était bien à l’endroit indiqué, s’entraînant malgré l’heure matinale. Une mince pellicule de sueur faisait luire son front aux rayons du Soleil. Elle l’observa dans l’ombre, sans un bruit, comme elle le ferait très souvent durant le reste de sa vie, notant çà et là quelques observations. La tenue parfaite de son boken, les lignes de ses biceps se dévoilant parfois au flottement de ses manches, la cheville un peu trop tordue lors d’un mouvement, le regard à la fois fixe et alerte, la précision de son enchainement. Elle resta ainsi de longues minutes, l’observant sans trahir sa présence. Puis, elle se déplaça furtivement et d’un Shunpo fut à une vingtaine de centimètres dans son dos. Elle ne chercha pas à l’attaquer mais, si ce qu’avait dit Ginrei était exact, le jeune homme était habitué à ce genre de surprise et ne se laisserait certainement pas surprendre aussi facilement. Une sombre histoire de chat-démon vicieux et joueur.

En effet, le petit homme ne tarda pas à réagir au quart de tour et bondit hors de sa portée d’un Shunpo. Le visage figé en une expression douce et paisible, elle restait impassible pour ne pas montrer son esprit fonctionnant à toute allure pour analyser l’adolescent devant elle… Il avait réagi instinctivement, avec une célérité qui tenait de l’expérience et non d’un apprentissage. Elle retint un sourire. Ce gamin devait s’entraîner très dur et depuis son plus jeune âge pour être arrivé à son niveau… Rien d’étonnant là-dedans pour un Kuchiki, qui plus est le petit-fils de Ginrei et le fils de Shojun. Ses yeux détaillèrent son apparence, le port de sa tête noble et méfiant, ses yeux sombres qui dissimulaient presque parfaitement une impulsivité naturelle, ses cheveux noir d’encre rendus un peu désordonnés par son entraînement, son teint de lait avec ses joues légèrement rosies… Il ressemblait à son père au même âge, c’était fou. Elle inclina respectueusement la tête pour saluer le jeune noble, alors que sa voix retentissait dans l’air, méfiante.

Byakuya : « Qui va là ? »

Bien sûr. Elle ne savait pas pourquoi, mais les nobles avaient la fâcheuse tendance à être nerveux quand ils ne savaient pas à qui ils avaient à faire… Enfin, ce n’était pas réellement propre aux nobles mais eux devenaient beaucoup plus mal à l’aise que la moyenne. Enfin, comment expliquer à ce jeune noble les choses sans qu’ils se mettent à pousser de hauts cris ? Elle avait de la chance, il avait l’air de savoir à peu près se contenir… Mais s’il commençait à ameuter les gardes, cela risquait de très mal se finir. Par où commencer… ?

Yoake : « Lors d’une esquive, il n’est pas prudent de revenir sur des choses trop fragiles, d’autant plus lorsqu’elles ont la fâcheuse tendance à servir de piège. » souffla-t-elle en désignant le pont.

Ah bah bravo, ça c’était de l’entrée en matière Yoake ! Elle sentit les applaudissements mentaux de son hollow interne, alors que l’un de ses sabres se foutait gentiment de sa gueule. Elle allait le braquer si elle continuait ainsi, et elle aurait l’air fine tiens. Même si sa voix n’avait pas quitté ses modulations douces, ne contenant ni reproche ni sarcasme, elle n’avait pas pu s’empêcher d’en faire la remarque, énonçant un fait. Il allait falloir se rattraper.

Yoake : « Et pour répondre à ta question, je me prénomme Yoake. Je suis une amie de ton grand-père… Et je suis enchantée de faire ta connaissance. »

C’était peut-être le petit-fils de Ginrei, mais il était bien trop tôt pour lui faire confiance, aussi n’avait-elle pas donné son nom de famille… Déjà qu’elle lui avait donné son véritable prénom, c’était déjà beaucoup trop. Ginrei n’avait rien dit quant à l’identité qu’elle devait lui donner, et elle ignorait s’il avait l’intention de parler d’elle à son petit-fils. Bah, c’était son problème après tout. Attentive, elle ne quittait pas des yeux son jeune noble, notant mentalement chacune de ses expressions et de ses réactions. Il allait falloir qu’elle apprenne à le connaitre, la plupart du temps à son insu pour être capable de le protéger au mieux. Mais franchement, qu’est-ce qu’il lui avait pris d’accepter une mission pareille ?

L'expression du jeune noble se modifia, alors qu'il s'imprégnait de ses paroles, les laissant doucement arriver à son cerveau. Il baissa pendant une fraction de seconde son regard pour constater qu'elle disait vrai. Premier soupir mentale de son hollow interne. Il avait fait vite, cependant un tel laps de temps était suffisant pour un guerrier un tant soit peu expérimenté pour l'attaquer et prendre l'avantage de l'assaut. Elle s'apprêta à lui en faire la remarque, mais une leçon à la fois suffirait... Difficilement, elle ravala ses mots et s'empêcha tout commentaire à ce sujet. Après tout, Ginrei lui avait simplement demandé de veiller sur lui, pas de devenir son professeur et lui apprendre quelques arts de la guerre ou autre chose... Quoique, à bien y réfléchir, si le petit savait se débrouiller un peu tout seul, cela lui ferait des vacances... Et si jamais elle était loin de lui et qu'il courait un danger, au moins saurait-il se défendre un peu tout seul avant qu'elle ne vienne à sa rescousse. Mouais. Elle y réfléchirait plus tard, pour l'instant un premier tête à tête n'était peut être pas le bon moment pour le critiquer.

Pendant ce temps, l'adolescent semblait ravaler difficilement son agacement. Oui, elle avait raison, au grand dam de tous les jeunes gens de 13 à 18 ans qui pensaient tout savoir. Il ne fallait pas leur en vouloir. Ça passerait avec le temps. Puis, Yoake prononça le mot magique de "grand-père" et la colère fit place à une certaine curiosité. Son sabre de bois s'abaissa légèrement. Deuxième soupire mental. Elle ne s'annonçait pas. Elle débarquait de nulle part sans prévenir personne. Elle se matérialisait à quelques dizaines de centimètre de lui, même si elle n'avait pas l'air menaçante. Il ne la connaissait pas. Et il lui suffisait de lui dire qu'elle était une amie de Ginrei alors qu'il n'en savait rien pour qu'il baisse sa garde, même légèrement. La voix spectrale de son hollow lui susurra au creux de son esprit qu'elle ferait mieux de se teindre les cheveux en argenté pour cacher les futurs cheveux blancs qu'il allait lui donner. Elle la fit taire en muselant son esprit. Elle fut tirée de ses pensées par la voix plus grave de l'étudiant et reporta son attention sur lui.

Byakuya : « Si vous êtes en effet une amie, pourquoi ne point vous faire annoncer en ce cas au lieu de vous défier de moi ? N’auriez-vous donc point de nom ? »

Ainsi, il l'avait remarqué... Rien d'étonnant en soit au fond. C'était un noble, quelqu'un qui avait l'habitude des introductions pompeuses et interminables, avec des noms à d'horribles rallonges. Cette étrange présentation non conforme aux règles devait lui changer, de même que son nom... Mais bon, qu'était réellement un nom ? Après tout, elle en changeait comme de chemise, et ne restait pas plus de quelques décennies avec le même. Mais il lui faudrait donner le nom qu'elle avait utilisé en tant que shinigami quand elle appartenait encore au Gotei 13. Et si jamais il entendait parler du capitaine homonyme - et pour cause ! c'était elle - il n'était pas stupide et aurait tôt fait le rapprochement avec elle. Or, elle ne le connaissait pas suffisamment pour prévoir ses réactions et lui faire confiance. Qui lui disait qu'il n'allait pas clamer haut et fort sur tous les toits qu'il la connaissait hm ? Sa main s'abaissa de nouveau et il s'avança vers elle. Sa méfiance était toujours présente, mais elle semblait faiblir. Yoake ne le quittait pas un seul instant du regard, ses yeux épousant ses formes pour saisir le moindre petit mouvement, le moindre petit frémissement de son être. Il abaissait sa garde. Alors que cette fois-ci, elle n'avait rien fait. Dès qu'elle était de retour dans le monde réel, elle prenait rendez-vous chez le coiffeur pour une teinture.

Byakuya : « C’est ojii-sama qui vous envoie si je comprends bien ? »

Et qu'est-ce qu'il en savait ? C'était ce qu'elle lui avait dit. Et alors ? Il ne la connaissait pas. Qu'est-ce qu'il lui disait qu'elle n'avait pas assassiné son grand-père et qu'elle venait s'occuper de lui ? Ou qu'elle le retenait ici pendant que l'un de ses complices s'occupait du vieil homme ? Oh bien sûr, un duel faisait forcément du bruit, d'autant plus que Ginrei ne se laisserait certainement pas faire comme ça. Mais Ginrei était un noble, un shinigami et un samouraï. S'il avait reçu une certaine éducation pour éviter les assassinats, un professionnel pouvait en venir à bout sans qu'il ne se rende compte de rien ou qu'il puisse avoir le temps de prévenir quelqu'un. Elle avait du mal à concevoir le fait de croire quelqu'un aussi facilement...

Non, le noble devait bien encore se méfier d'elle, ce n'était pas possible autrement. Ou alors, il était immensément naïf. Enfin, peu importait, elle en tout cas, restait parfaitement sur ses gardes et n'avait pas l'intention de se détendre avant d'au moins retourner dans le monde réel, quelque part dont elle seule connaissait l'existence. Pas avant. Et surtout pas au Seireitei où elle risquait de se faire exécuter si elle se faisait prendre. Prudemment, le noble quitta le petit pont de bois et Yoake s'accorda l'ombre d'un sourire un peu plus amusé. Il apprenait vite. Tant mieux. Un courant d'air se leva et fit voleter les cheveux sombre du noble, avant de venir s'en prendre au visage de Yoake. Elle inspira doucement l'odeur du noble qu'il lui apportait. Il avait un parfum assez fruité, de cerise... en un peu plus musqué. Discrète et assez douce, mais bien masculine. Elle mémorisa cette odeur et la grava solidement dans sa mémoire, au cas où. Après une comparaison vaseuse de chien pisteur de la part de son hollow, elle se retint de levait les yeux au ciel. Le noble semblait s'abimer dans ses pensées, détaillant l'assassin mais faisant appel à ses souvenirs. Finalement, il lâcha un :

Byakuya : « Vous lui ressemblez. »

Elle regarda attentivement le noble qui semblait vouloir reprendre pied avec la réalité. A qui ressemblait-elle ? Cela avait-il une importance ? Elle ne le savait pas. Sa mère ? Non, elle avait eut le temps de la connaitre et elle ne lui ressemblait pas vraiment. Sa grand-mère ? Impossible, il ne l'avait pas connu. Une étudiante de l'Académie ? Possible, bien qu'elle avait du mal à voir en quel point. Alors qui ? Une autre parente ? Également possible, mais elle ne voyait pas qui... Cela faisait trop longtemps qu'elle était éloignée de la famille pour connaitre les membres. Ginrei lui avait parlé d'une autre personne... Le Bakeneko. Possible également, elle ne la connaissait pas. Il lui faudrait peut être enquêter là-dessus... Elle secoua légèrement la tête. Non, inutile. On lui avait demandé de veiller sur lui, et cela n'avait pas réellement d'importance au vue de cette mission. Il ne fallait pas qu'elle laisse sa curiosité prendre le pas sur sa raison. Elle réfléchit à sa réponse. C'était son premier contact, il ne fallait pas qu'elle se loupe. Prenant un air un peu plus distingué, elle reprit la parole :

Yoake : « Mon beau Seigneur, il y est certaines règles qui n'auront point cours entre nous... et d'autres que ne seront valables qu'en nos présences. Ces règles comme beaucoup d'autres, ne m'ont pas pour origine à votre instar. Sachez toutefois que je ne suis pas celle qui a désiré qu'elles s'instaurent entre nous, mais bien ton Grand-Père. »

C’était un peu mieux. Elle venait de lui dire plus ou moins que c'était Ginrei qui avait désiré qu'elle se ramène et qu'à cause de cela il y allait avoir certaines... règles du jeu. Sans émettre de jugement, il était difficile de savoir si c'était contre son gré ou pour son plus grand plaisir. Et d'ailleurs, cela n'avait pas d'importance. C'était un espèce de nouveau travail, un nouveau contrat, une nouvelle responsabilité. Point. Que cela lui plaise ou non, c'était ainsi et elle n'y pouvait rien, alors autant s'y résigner n'est-ce pas ? Changeant d'appui, elle passa son poids sur sa jambe gauche sans se départir de son air paisible et doux. Il lui fallait choisir ce qu'elle pouvait lui dire maintenant, ce qui devrait attendre et ce dont il se rendra compte au fil du temps. Elle avala sa salive pour humidifier sa gorge et reprit la parole :

Yoake : « Pour mon nom, sachez qu'il n'a pas d'importance, j'en change régulièrement. Yoake suffira. Il y est également d'autres choses que vous devez savoir, et votre Grand-Père se chargera de confirmer mes dires. La première chose est que je ne m'annoncerai jamais et je ne serai jamais introduite, nos rapports étant strictement officieux. Pour cela, je vous serai gré de garder mon existence sous silence, cela est essentiel et me simplifierai grandement ma tâche. La seconde est que vous n'avez aucune autorité sur moi - l'inverse étant également vrai - et que votre rang social ou militaire ne possèdera jamais une quelconque influence sur moi. » Elle s'autorisa un petit sourire en regardant le jeune noble, avant de reprendre. « Je ne suis pas ici pour vous plaire, et cette situation n'est pas de mon dû, soyez-en assuré. »

Tout en parlant, elle s'était approchée du noble, lentement, sans montrer aucun signe d'agressivité. Ne quittant jamais du regard sa silhouette, elle ne s'était pourtant jamais avancée en ligne droite, formant quelques arcs de cercle. Son corps félin se chargeait d'avoir une démarche souple, silencieuse et paisible, mais un spectateur externe aurait pu penser à un prédateur s'approchant de sa proie, se mouvant avec grâce pour endormir sa vigilance. Une fois suffisamment proche, elle posa un genoux à terre devant l'adolescent, la tête haute et son regard ne quittant pas le sien. Sa position était comme un symbole d'allégeance, mais son air n'affichait en rien aucune soumission. Elle l'avait prévenu, il ne lui donnerait pas d'ordre.

Yoake : « En cela, la tâche que m'a assigné votre Grand-Père est celle de votre protection. Vous avez passer l'âge d'avoir un chaperon et je le sais très bien, aussi je ne serai pas tout le temps derrière vous et vous ne me verrez jamais si vous ne le souhaitez pas. Cependant, sachez qu'en tout lieu et en tout temps, vous pourrez compter sur moi. Et lorsque les choses deviendront dangereuses, je serai non loin de votre ombre... mais je ne sortirai qu'en cas d'urgence. »

Voilà, c'était dit. Elle avait énoncé les choses d'une voix calme et douce, sur le ton des choses qui sont et dont il est inutile de discuter... Si jamais il voulait protester, c'était à Ginrei qu'il allait falloir parler. Pas à elle. Et que cela lui plaise ou non, elle n'en avait cure, elle tiendrait sa promesse quoiqu'il lui en coûte.

Byakuya tenta de prendre l’air du parfait petit noble qui était décrit dans tous les manuels de la noblesse. La respiration calme, le regard légèrement voilé, les yeux fixes qui se voulaient hautains... Incroyable. Il y serait presque arrivé si quelques détails n’étaient pas là pour tout mettre à terre. Par exemple, il n’avait qu’à peine seize ans, et les poussées de croissance typiques de cet âge l’avait fait grandir très vite... et il demeurait un peu gringalet malgré son entraînement régulier. Ce détail serait bien vite réglé, cependant son hollow ne pouvait pas s’empêcher de lui trouver un air de ressemblance avec un très jeune coq en quête de reconnaissance dans une basse-cour, faisant un tapage du Diable avec son beau plumage à peine débarrassé de duvet. Et encore, il n’avait pas encore l’âge de se raser. De plus, la forme de son visage n’avait pas atteint tout à fait sa pleine maturité et il possédait encore de grands yeux et une tête un peu rebondie... Non, vraiment, il était peut-être un peu tôt pour qu’il se lance dans ce genre de regard. Pourtant, elle ne put s’empêcher d’avoir un pincement au cœur. Elle adorait Shojun, et jamais elle ne lui avait connu ce genre d’expression... Si hautaine et dédaigneuse. Qu’allaient-ils faire de lui, cette bande de rabougris ? Du gâchis. Rien de plus, ni de moins. Ils allaient pourrir ce gamin jusqu’à l’os, et elle serait liée à lui jusqu’à la fin de la vie de l’un ou de l’autre. Dans quoi c’était-elle engagée ?

Pourtant, il ne réussit pas à garder très longtemps ce visage de calme hautain. Au fur et à mesure de sa tirade, il laisse tomber son masque pour reprendre sa fougue de jeunesse. Bah, peut-être n’était-il pas si désespéré que cela après tout. Dès les premiers mots à la suite de sa tirade, la jeune femme sut que cela ne serait pas facile. Pas facile du tout. Et comme l’étudiant ne pourrait certainement pas passer sa colère et sa frustration sur son grand-père qui était le seul responsable de cette situation, Yoake avait comme le sentiment que ça allait retomber sur son dos... Il lui faudrait encore quelques années pour analyser totalement le jeune noble, mais elle avait déjà pu noter quelques mouvements qui étaient caractéristiques chez lui. Par exemple, le léger plissement de son front indiqué qu’il était certainement très énervé intérieurement. La crispation dans sa mâchoire lui montrait que sa fierté et son orgueil en avait pris un coup. La contraction de ses muscles sous la colère pour tenter de se maîtriser – réaction assez stupide mais instinctive... la nature était mal faite parfois – était toute juvénile. Bientôt, il apprendrait que pour se calmer, il valait mieux se détendre, se crisper ayant l’effet inverse... Mais encore une fois, elle n’allait pas tout lui dire, il allait falloir qu’il se débrouille un peu. Elle n’allait pas tout le temps être derrière son dos non plus.

Byakuya : « Je n’ai pas besoin de vous, et vous n’avez pas à encombrer votre temps envers ma personne car vous risquez fort de vous ennuyer plus qu’autre chose. En effet, je suis suffisamment grand pour m’occuper de moi-même, et je doute faire appel à vous. »

Il s’était détournée d’elle, lui tournant méchamment le dos. Idiot. Un certain auteur avait écrit, à travers les yeux d’un de ses personnages, à quel point ce geste était fascinant... Refuser quelque chose, tout en affichant ouvertement sa faiblesse. Ce gamin enchaînait bêtise sur bêtise. Il n’avait pas bougé d’un poil pendant qu’elle s’était rapprochée, n’avait pas remonté sa garde. Son ton avait beau vibrer de colère, ce n’était que des sons qui formaient des mots... Ce n’était pas ça qui la protégerait d’elle – surtout d’elle. Si cela pouvait parfois sauver la vie, il valait tout de même mieux penser à une protection physique avant toute chose. Il laissait ses sentiments et sa fierté de mâle dominant blessée prendre le dessus, et enchainait les gaffes de plus en plus vite. Elle secoua légèrement la tête en soupirant... Peut-être qu’il allait falloir utiliser une manière un peu plus forte que celle-ci. Elle avait tenté la méthode douce, mais il allait visiblement falloir quelque chose de plus radical. D’une célérité qu’elle ne tenait que grâce à des siècles d’entraînement en tant qu’assassin, elle fut dans son dos pour lui susurrer presque sensuellement à l’oreille :

Yoake : « Ah vraiment ? »

Et sans lui laisser le temps d’ajouter quoique ce soit, elle exerça une pression sur son dos pour le pousser simplement dans l’eau du bassin, l’envoyant nager avec les poissons. Elle n’avait pas d’inquiétude au sujet d’une quelconque noyade, elle avait remarqué que les petits garçons avaient la fâcheuse tendance à mettre un point d’honneur à aller visiter chaque point d’eau sans exception et apprenaient grâce à cela à nager. Ou alors ils naissaient en sachant nager... Toujours était-il qu’il avait l’air de s’en sortir assez bien. Croisant les bras, se doutant qu’il n’allait pas se faire jeter à l’eau aussi facilement sans répliquer – lui ! Le futur chef du clan Kuchiki ! – elle changea légèrement de place, ne faisant guère plus d’un pas sur le côté et se prépara à esquiver ou à contrer n’importe quelle attaque. Il la chercherait instinctivement des yeux et s’il préparait quelque chose, pourrait être déstabilisé.

A première vue, elle était à la même place et il agirait d’instinct, et ne serait compte que plus tard qu’elle avait légèrement bougé... mais chaque centimètre était important dans un duel. Cependant, elle n’était pas sûre que cette ruse marche parfaitement, après tout il avait eu un bon professeur à cela et certainement serait-il habitué et ne se laisserait pas abuser. Ou alors il était aussi impulsif qu’il en avait l’air et vu l’état de sa fierté, risquait de foncer tête baissée... ou il tenterait de lui faire croire. Méfiance. Il était temps de changer de stratégie... Puisqu’il avait tout l’air d’un gamin pourri gâté, il allait falloir qu’il comprenne certaines choses. Celui ou celle qui allait lui faire entendre raison n’était pas né, elle ne se faisait pas d’illusion, mais il était essentiel qu’il arrête ses caprices avec elle. Elle n’était pas à son service. Cependant, elle crut bon de dire d’une voix un peu moins douce et plus froide, haussant suffisamment le ton pour qu’il l’entende à travers les éclaboussures et les éventuels hoquets.

Yoake : « Vous baissez bien trop facilement votre garde mon jeune Seigneur. De plus, vous semblez avoir bien trop confiance en vous et en vos capacités. Que se serait-il passé si j’avais eu une arme en main, avec l’intention de vous tuer ? Si vous voulez éviter que je vous suive comme votre ombre, il va falloir faire un peu mieux que cela. »

Yoake laisse se peindre une moue de surprise quand le haut du kimono du jeune homme tomba à ses pieds. Il n’avait pas eu le temps de l’enlever, elle en était sûre... Alors quoi ? Le jeune noble serait-il moins impulsif qu’elle ne l’avait pensé au premier abord ? Pas mal. Elle eut un hochement de tête approbateur, il avait au moins tenté de faire une technique, au lieu de se laisser mollement faire... C’était même plutôt bien, même si sa technique avait apparemment planté. Dommage, mais il y avait de l’idée. Elle fixa la surface trouble de l’eau et vit qu’il ne bougeait pas d’un poil. Un froncement de sourcil barra son front. Se serait-elle trompée sur les petits garçons ? En existait-il qui ne savaient pas nager ? A moins qu’il ne se soit cogné le crâne contre quelque chose dans sa chute... Elle soupira. Elle ne pouvait pas le laisser très longtemps au fond de l’eau et s’il ne se décidait pas à remonter elle irait le chercher. Pourtant, les bulles qui remontaient à la surface étaient bien trop régulières et maitrisées pour appartenir à un homme qui se noie. Le jeune homme souhaitait apparemment rester au fond de l’eau. Avait-il trouvé quelque chose ? Au fond d’un bassin de carpes koï ? Elle en doutait. Ou alors élaborait-il sa prochaine stratégie... A moins qu’il ne gagne du temps pour exécuter une nouvelle technique. Ou sa technique de tout à l’heure n’avait pas échoué et faisait partie intégrante d’un plan... Intriguée, Yoake décida de le laisser faire et de voir ce qu’il avait derrière la tête.

Enfin, l'oxygène dû lui manquer car il remonta bien vite à la surface d’un mouvement assez puissant à en juger les remous de l’eau et les nages des carpes koï. Les bras croisés, Yoake attendit sagement qu’il remonte sur la berge, crachotant un peu d’eau, tout ruisselant. Un sifflement appréciateur s’éleva dans l’esprit de la vizarde, suivi de quelques remarques de son hollow. Elle soupira mentalement et détailla à son tour le noble qui reprenait son souffle et qui se remettait sur pied. Ses beaux cheveux étaient à présent détrempés et lui collaient au corps, dégoulinant sur un torse certes mince mais déjà remarquablement musclé. Ses yeux étincelaient d’une lueur à la fois furieuse et calculatrice. L’une de ses mèches goutta et la perle de d’eau glissa doucement sur son torse, vite rejoint par...

* Non mais suffit Tsukiyo ! C’est qu’un gamin, je ne suis pas pédophile ! * siffla-t-elle en pensée.

L’arrancar émit un grognement de déception en marmonnant un dernier « rabat-joie » avant de se taire et d’observer la scène. Cela ne faisait pas si longtemps que cela – à peine un siècle – que Yoake avait appris à lâcher un peu la bride de son alter-égo monochrome, et si elle restait la partie dominante dans son corps, Tsukiyo avait un peu plus de liberté et pouvait parfois réagir et contrôler dans une certaine mesure ses mouvements. Comme à présent. Se redressant du haut de son sixième de siècle, Byakuya pointa un doigt bien trop bas sur elle en murmurant froidement :

Byakuya : « Hado no Yon : Byakurai »

Yoake esquiva un pas en arrière pour éviter de se cramer les orteils avant de voir l’ombre de Byakuya foncer sur elle sur le côté. Elle voulut esquisser un mouvement pour le contrer mais ses muscles se tétanisèrent sous une brusque impulsion de son hollow. L’assassin ne put retenir une légère grimace de douleur quand le noble la percuta de plein fouet alors qu’elle était crispée sur elle-même... Notant ceci sur la liste des choses qui nécessiteraient un bon savon de Tsukiyo, cette dernière ronchonna quand même qu’il fallait qu’elle se laisse un peu faire pour voir ce que le noble valait réellement. De toute façon, elle ne craignait rien n’est-ce pas ? Et elle relâcha brutalement son emprise, alors que leurs deux corps percutaient le sol à l’avantage de l’étudiant. Elle serra les dents par réflexe et, reprenant le contrôle de ses mouvements, eut juste le temps d’attraper un kunai dans l’une de ses poches secrètes avant de se faire méchamment immobilisée au sol. Bien. Et maintenant ? Le souffle court, il semblait l’observer avec le plus grand sérieux. A cheval sur elle, le boken glissé sous sa gorge, elle leva la tête vers le haut sous une légère pression sur sous son menton.

Byakuya : « Je ne suis pas votre seigneur puisque vous n’êtes pas sous mon autorité, et je possède sans doute trop de confiance en moi, mais vous vous permettez de me juger un peu trop rapidement. »

Elle se permit un sourire, alors que son hollow s’imprégnait lentement dans son esprit, se fondant presque dans ses pensées. C’était un étrange sourire, à la fois amusé et ravi, presque fier... Mais un peu trop joueur pour être totalement catholique. Sa poitrine soulevant à un rythme régulier ses vêtements sombres de shinigami qui commençaient à être eux aussi trempés. Elle eut un léger frisson quand l’eau atteignit sa peau, plus par réflexe que par véritable sensation de froid. Elle hocha calmement la tête et lui concéda avec un ton calme et paisible :

Yoake : « Vous avez raison. »

Mais elle n’en avait pas fini avec lui. Frappant à la manière d’un serpent, elle se redressa vivement et saisissant le kimono du noble à quelques endroits stratégiques, inversa leur position sans lui laisser le loisir de répliquer. Elle n’aurait jamais pu agir ainsi sans se trancher la gorge si son boken avait été autre chose que du bois. Saisissant le poignet de sa main armée, elle le plaqua avec suffisamment de force pour le faire lâcher son arme. Stupide réflexe musculaire, n’est-il pas ? Elle lui fit à la suite une prise basique de corps à corps qu’il aurait pu aisément contrer... s’il n’y avait pas eu le contact caractéristique de l’acier froid n’ayant pas eu sa dose de sang frais contre sa hanche.

Yoake : « Chhhut... Doucement. Je n’aimerai devoir vous blesser. » susurra-t-elle tout près de son oreille de son ton étrangement sensuel.

Elle ne le ferait certainement pas et il le savait probablement, mais que connaissait-il de cette inconnue au juste ? Son corps chaud plaqué contre le sien pour l’immobiliser, elle verrouilla ses prises avant de faire glisser avec une lenteur calculée le kunai le long de son torse. Ils étaient quasiment joue contre joue, laissant à Yoake le loisir de murmurer à son oreille de sa voix chaude qui contrastait avec le froid glacial de sa lame.

Yoake : « On ne menace. Jamais. Quelqu’un avec une arme en bois. Si vous voulez menacer quelqu’un, faites en sorte que la menace réelle, et non symbolique. »

Le kunai avait atteint la base de son cou à présent. Toujours aussi lentement, elle posa sa lame à l’endroit exact où il lui avait posé son boken et, d’une légère pression, lui fit lever la tête. Continuant sur le même ton, elle reprit.

Yoake : « On ne fait pas lever la tête à quelqu’un qu’on menace, sa gorge est peut être exposée mais la jugulaire gagne en profondeur et il est beaucoup plus difficile de l’atteindre. » Faisant glisser son kunai contre sa gorge, elle finit par appuyer du plat de la lame d’un côté de sa mâchoire pour lui faire tourner la tête. « Ce qu’il faut, c’est lui tourner la tête... Voilà, ainsi. La jugulaire alors se découvre, et seul un imbécile pourrait la rater. »

Suivant une impulsion étrange qu’elle devait certainement à son hollow, elle déposa un baiser tendre sur sa jugulaire palpitante. Laissant son côté joueur prendre le dessus, elle fit glisser l’arrête de son nez de la base de son cou jusqu’à l’articulation de sa mâchoire, respirant sans un bruit sa douce odeur de cerisier mélangée à celle de la mare. Elle poussa un soupire très léger et son souffle chaud alla se perdre dans sa nuque. Puis, revenant près de son oreille, il souffla finalement un dernier :

Yoake : « Vous êtes doué et j’avoue vous avoir sous-estimer. C’était bien joué et votre technique a failli réussir tout à l’heure. Félicitations. Continuez ainsi et il est probable que vous oublierez jusqu’à mon existence. »

Elle voulait dire par là qu’elle ne le pisterait pas s’il se montrait suffisamment fort. S’il pouvait se débrouiller seul, tant mieux... Si elle n’était pas là pour lui plaire, elle n’avait pas non plus envie de passer pour un garde du corps tyrannique. Se remettant debout, elle fit disparaitre son kunai aussi rapidement qu’il était apparu et délesta le noble de son poids pour lui rendre sa liberté de mouvement. Elle lui tendit la main, se doutant qu’il allait la refuser, à la fois pour le remettre sur pied et pour sceller leur accord. Mais il était peut-être trop fier pour cela, elle le savait.

Elle sentit à son rythme cardiaque que ses caresses ne le laissait pas de marbre... et une partie d’elle s’en amusa et s’en délecta. Non, ça c’était le hollow... pas Yoake. Serrant les dents, elle se força à se séparer de cette partie de son esprit qui tentait insidieusement de la faire agir à sa guise. Camouflant son trouble interne derrière un visage calme et doux, elle fit taire les voix de ses sabres pour se concentrer sur le noble. Ce dernier resta un instant allongé, l’air un peu hébété avant de s’asseoir sur le sol. Elle eut un sourire en le voyant porter une main sur sa nuque, là où son souffle avait glissé sur sa peau... Alors, elle sentit que son hollow interne bondait mentalement le torse et se pavanait comme un coq, déclenchant les soupirs dépités des sabres jumeaux. Ils allaient en entendre parler longtemps... Il finit par se relever, ignorant royalement comme prévu la main qu’elle lui tendait. Rien d’étonnant à cela. Elle l’observa se mettre debout avec une certaine aisance malgré les nombreux frissons qui hérissaient sa peau. Il finit par briser le silence qui s’était installé entre eux en déclarant faiblement :

Byakuya : « Il en sera donc ainsi, et croyez moi que je ne serais certainement pas un poids pour vous. »

Elle lui sourit avec un certain amusement et inclina légèrement le haut du buste pour marquer son accord. Ce qu’il ne savait pas, c’est qu’elle serait là toute sa vie, peut-être pas tout le temps dans son ombre... Mais revenant, régulièrement, souvent, dans les parages vérifiant que tout allait bien et peut-être même l’aider dans ses affaires actuelles sans qu’il le sache en lui donnant quelques indices... Oh, peut-être se douterait-il de quelque chose de suspect, mais Yoake savait être discrète. Et puis, comment soupçonner un assassin que l’on avait rencontré des années auparavant hm ? Peut-être viendrait-elle lui parler. Ou peut-être pas. Elle verrait bien le moment venu, suivant les circonstances et l’humeur du jour... Pour l’heure, il allait falloir qu’elle prévoie comment camoufler ses allers retours entre le monde des humains et le monde réel sans attirer l’attention. Elle retint un soupir devant ce nouveau casse-tête mental... et promit à Ginrei de lui faire payer cela par la suite. Pour l’heure, elle souffla simplement à son nouveau protégé :

Yoake : « Je n’en attendais pas moins de vous, jeune seigneur. »

Puis, elle observa d’un air critique les nombreux frissons qui parcouraient sa peau, ses lèvres bleuies par le froid, la crispation de sa mâchoire pour ne pas claquer des dents, les légers tremblements incontrôlables de ses muscles... et retint un soupir entre ses lèvres. Si elle faisait attraper une quelconque maladie à Byakuya dès le premier jour, il était sûr qu’elle se ferait taper sur les doigts par Ginrei qui était assez protecteur envers son petit-fils. Bon, il avait l’air peut-être assez solide pour résister à un rhume, mais mieux valait ne pas prendre de risque. S’approchant de sa démarche féline de Byakuya, elle ne le quitta pas des yeux... et lui enlaça les épaules en le serrant contre elle sans lui demander son avis. Fermant les yeux, elle se concentra sur son énergie et s’en servit pour envelopper son jeune corps en un cocon chaud et protecteur. Les vagues roulantes d’énergie caressaient la peau du noble, le réchauffant, l’apaisant presque... alors que Yoake lui caressait pensivement le dos et les épaules.

Pendant que le jeune héritier se réchauffait dans le creux de ses bras, elle réfléchit à ce qu’elle allait lui dire maintenant... Il fallait qu’elle réussisse à le convaincre de rentrer, sans le frustrer ni le faire se braquer. Ce qui ne serait pas... une chose facile. Déjà, il ne fallait pas lui donner d’ordre, sinon il y avait fort à craindre qu’il se rebiffe. De même, il ne fallait donner aucun conseil qu’il s’empresserait de ne pas suivre. Ensuite, ne surtout pas froisser sa fierté d’adolescent en émettant l’hypothèse qu’il pourrait attraper froid, lui, le grand futur chef de la famille Kuchiki et capitaine de la sixième Division. Enfin... il fallait s’arranger pour ne pas vraiment lui laisser le choix sans qu’il s’en rende compte. Pas facile.

Yoake : « Rentrons... Il ne fait pas très chaud dehors. » souffla-t-elle doucement près de son oreille une fois que le jeune homme fut totalement réchauffé.

Bien ! Pour ne pas avoir l’impression de lui donner d’ordre, il lui avait fallu s’inclure dans le mouvement. Elle aurait pu tenter de lui demander la chose inverse pour qu’elle fasse ce qu’elle voulait mais le noble était un peu trop vieux et intelligent pour cela. Ensuite, elle ne disait pas qu’il allait avoir froid. Non, elle ne soumettait même pas cette hypothèse. C’était l’extérieur qui était froid, nuance ! Et pire que cela, il n’était pas chaud, ce qui était totalement différent... En réalité pas vraiment, mais qu’est-ce qu’il ne fallait pas faire pour empêcher les petits garçons de s’enrhumer n’est-ce pas ? Yoake avait fini par relâcher le jeune homme de son étreinte et s’était un peu écartée de lui pour être à une distance un peu plus décente. Maintenant cependant, il fallait qu’il aille dans son sens et qu’il la suive... donc il lui fallait une sorte d’appât. Quelque chose qui le pousserait à rentrer. Outre le vent qui devait lui semblait encore plus froid qu’avant, elle ajouta d’une voix toujours aussi douce :

Yoake : « Je vais vous préparer un tasse de thé. Avez-vous un parfum favori ? »

Voilà. La promesse d’une bonne boisson chaude pour bien se réchauffer après avoir eu froid... Que pouvait-il avoir de mieux ? D’autant plus que, pendant que Yoake serait occupée à faire le thé, il aurait tout le loisir de se changer et peut-être de prendre une douche rapide... La vase ne seyant guère à un apprenti héritier.

Suivant le noble du regard, elle l’évalua de nouveau sans même y faire attention, plus par habitude que par réelle intention. Elle ne pouvait s’empêcher de comparer cet adolescent avec Shojun, son père... la ressemblance physique était bien trop frappante pour qu’elle puisse l’oublier aussi aisément. Le port de sa tête et le maintien de son buste étaient différents cependant. Alors que Shojun irradiait d’une force douce et tranquille, l’aura de Byakuya était plus écrasante, plus autoritaire. Un peu comme du feu, maitrisé cependant. Elle s’amusait de ces comparaisons avant de pousser un léger soupire mental... Ginrei avait-il prévu qu’elle s’attacherait aussi vite au jeune homme à cause de cette ressemblance avec son paternel ? Certainement. Ginrei laissait rarement les choses au hasard... et Yoake avait vu grandir Shojun, elle l’adorait particulièrement. Elle n’avait qu’à tendre son esprit pour entendre au loin ses éclats de rire enfantins, sa voix douce et innocente, voir ses grands yeux naïfs et ses joues roses quand il voulait lui poser une question embarrassante. Pourtant, elle ferma soigneusement son esprit. Ce n’était pas Shojun, loin de là. Inutile de mener plus loin la comparaison, cela lui causerait plus de tort qu’autre chose. Elle ne cilla pas quand il lui répondit enfin, couvrant le couinement spongieux de ses pas sur le parquet :

Byakuya : « Faites donc le thé qui vous plaira, je n’ai pas de préférence. »

Elle eut un sourire pour elle seule. Il apprenait relativement vite... ce n’était pas un ordre bien qu’il ait utilisé l’impératif et il lui laissait même une marge de manœuvre. Tant mieux, elle n’avait pas envie de devoir lui réexpliquer qu’il ne lui donnait pas d’ordre... Non vraiment, ce gamin lui plaisait... jusqu’à une certaine mesure. Encore une fois, il baissait beaucoup trop vite sa garde, combien de fois allait-elle devoir lui coller une arme au creux de ses reins pour qu’il imprime cette leçon dans son esprit ? Enfin, elle supposait qu’elle ne pouvait pas lui en vouloir. Après tout c’était un futur chef de clan et un futur shinigami, deux « futurs » en trop. Ce n’était pas de sa faute, il lui fallait être indulgente avec lui. Dans sa négligence, elle fut intimement persuadée qu’il ne se rendit même pas compte d’à quel moment elle s’était éclipsée de son dos, prenant bien soin de rester invisible des gardes et des serviteurs... A dire vrai, c’était dans son ombre qu’elle avait entendu sa réponse, déjà invisible aux yeux de tous. Elle lui suivit jusque dans ses quartiers et sa salle d’eau, et décida qu’il était probablement encore trop tôt pour qu’elle fasse irruption devant lui en de telles circonstances. Surtout en étant adolescent. Elle pouvait déjà entendre les hauts cris qu’il pousserait.

Pensée qu’elle chassa aussitôt, son hollow s’amusant déjà à imaginer d’autres hauts cris d’une provenance totalement différente qu’elle pourrait lui faire pousser si seulement elle daignait s’en donner un peu la peine. Nouveau soupir. Elle était irrécupérable. S’esquivant avec la vitesse de ceux qui ont l’habitude, elle retrouva sans peine le chemin de la cuisine pour venir y subtiliser sournoisement quelques ingrédients pour la préparation de son thé. Voyons... il lui avait donné carte blanche. Cependant, un coup d’œil aux niveaux des différentes herbes la plongea dans ses réflexions. Elle connaissait le thé favori de Ginrei ainsi que la hauteur de sa consommation, de même pour Shojun. Cela expliquait le niveau de telle herbe, telle autre et... Ses pensées s’agitèrent rapidement, recoupant les informations qu’elle glanait autour d’elle. Le noble n’avait semblait-il pas menti quant à ses préférences, il semblait encore former son palais et goûter un peu à tout. Dans ce cas, il ne lui restait plus qu’à lui faire essayer quelque chose de nouveau.

Ses longs doigts d’assassin depuis longtemps rompus à la préparation de divers poisons commencèrent à jouer avec les ingrédients. Affuté et entraîné, l’esprit de la vizarde s’avérait être d’une précision redoutable quant à ceci, c’était l’un de ses terrains de prédilection. L’eau devait être à une certaine température pour commencer avec une certaine herbe qu’elle devait laisser un certain temps, avant d’enchaîner avec un dosage et une minutie d’un doigté particulier sur une autre substance... Tout occupée à sa tâche, Yoake s’était mise d’accord sur la préparation à l’avance. Il lui fallait quelque chose qui réchauffe et qui soit éventuellement efficace contre les rhumes... en prévision, juste au cas où. Une odeur mentholée s’échappait du breuvage, et le thé devait être en somme assez épicé compte tenu des ingrédients. En espérant que le noble aimait ce genre de goût. Yoake prenait un risque, mais qui ne tente rien n’a rien, n’est-ce pas ? Elle avait hésité à lui faire un bon grog... Mais si en plus de coller un rhume à son petit-fils elle le saoulait, Yoake était sûre de finir exécutée par Ginrei.

Une fois satisfaite d’elle-même, Yoake revint dans la chambre du noble en utilisant un chemin différent que pour l’aller. Sur celui-ci, elle croisa une servante qui revenait visiblement de sa destination. Elle tendit l’oreille et se laissa guider à ce qu’elle entendait... L’étudiant était encore dans la salle d’eau, mais n’en avait plus pour très longtemps à en juger par le bruit de tissu que l’on nouait. Curieuse de votre ce qu’il allait faire, la vizarde se camoufla dans un des coins de la pièce. La chevelure encore humide, le noble arriva dans la pièce et la balaya de son regard sombre, cherchant visiblement quelque chose... ou quelqu’un. Amusée, Yoake le laissa faire. Constatant – un peu trop vite au goût de Yoake – sa solitude, elle vit ses épaules s’affaisser légèrement comme le signe d’un certain relâchement avant qu’il ne s’avance devant un miroir où il prit place avant de saisir un peigne dans sa senestre. Un sourire amusé joua sur les lèvres de l’assassin. Il ne l’avait probablement pas fait exprès mais ces miroirs étaient un véritable cauchemar car il lui permettait de voir dans son dos. Dès lors, il était difficile de s’approcher de lui sans qu’il s’en aperçoive.

Refusant de céder à l’envie de venir lui coller un poignard sous la gorge ou dans le dos, Yoake se raisonna en se disant que le temps des leçons était terminé pour aujourd’hui. Il ne fallait pas le froisser dès la première fois. Préférant une approche plus douce mais tout aussi informelle, Yoake se glissa dans l’ombre pour atteindre un coin cerné par les ténèbres proche du miroir, dans le champ de vision de son nouveau protégé. Avez-vous déjà senti cette sensation d’être épié ? Ou même d’être suivi ? Elles étaient dû à la présence du fautif. Pour un assassin, il était essentiel d’effacer cette présence au même titre que son énergie spirituelle. Une nouvelle fois, elle brida ses instincts meurtriers. Byakuya n’était pas sa cible, c’était tout le contraire. Emergeant légèrement de l’ombre pour lui permettre de remarquer sa présence, la tasse de thé fumante dans la main, elle murmura dans un ton assez amusé mais où ne filtrait aucune méchanceté :

Yoake : « J’avoue que lorsque je disais que tu oublierai jusqu’à ma présence, je ne pensais pas que tu l’oublierai aussi tôt. » Puis, quittant son tutoiement et lui tendant la tasse chaude, elle reprit. « Tenez, cela devrait vous réchauffer un peu. »

Une fois la tasse remise, Yoake prit place dans le dos du noble et saisit d’autorité son peigne sans lui demander son avis. Il était occupé à boire, qu’elle le laisse dont faire ceci, cela irait plus vite et cela lui occuperait les mains et l’esprit. Un coup d’œil dans le miroir lui assura que non, il était inutile de protester et qu’il devrait boire son thé pendant qu’il était encore chaud. Un étrange regard d’ailleurs... A la fois rieur et amusé sans méchanceté, et qui, sans être autoritaire, laissait filtrer un tout petit peu la froideur propre des assassins, capables d’assassiner n’importe qui n’importe quand n’importe où sans le moindre état d’âme. Il fallait qu’il prenne conscience de qui il avait en face de lui. Pour l’instant, il savait que c’était une espèce de garde du corps et qu’elle devait être shinigami vu son uniforme. Il fallait laisser l’idée de son identité s’imprégner d’elle-même dans son esprit. Plongeant sa main dans la masse sombre et humide de ses cheveux, elle les démêla avec une douceur infinie avec l’aide de ses doigts, massant légèrement son crâne au passage avec un certain amusement. Avec une patience et une certaine douceur, elle les peigna avec soin, remarquant d’un ton distrait :

Yoake : « Vos cheveux ne sont pas encore marqués par les Keisenkaan... Cela ne devrait plus tarder, je me trompe ? »

Elle se souvenait que c’était à peu près à cette époque que son père avait dû les mettre pour la première fois. Mais de nouveau, elle bloqua ses souvenirs, refusant d’y appliquer un parallèle avec son protégé. Elle se concentra plutôt sur l’odeur particulière de son shampoing qui se mêlait à sa flagrance naturelle... Le tout était fruité, invariablement parfumé de cerise mais restait boisé. L’eau tiède qui imprégnait encore ses cheveux la rendait chaude, presque envoutante et Yoake prit le risque de s’y laisser griser quelques secondes, avant de reprendre son œuvre.

Le noble s’empara de la tasse en un geste fluide et gracieux avant de la porter à son visage. Elle l’observa discrètement du coin de l’œil, alors qu’il en humait le parfum épicé. Le connaissait-il ? Elle en doutait, elle faisait toujours ses thés elle-même et adorait inventer de nouvelle chose... Enfin, elle adorait surtout tester les choses et surtout les poisons et les venins. Cependant, cela restait des plantes et cela pouvait s’appliquer aussi au thé bien que beaucoup moins dangereux. Cependant, le noble observa le breuvage avec une certaine méfiance qui n’était pas sans lui plaire. Finalement, il n’était pas si imprudent que cela... Il finit par déposer la tasse sur la coiffeuse sans y avoir touché. Elle approuva son geste d’un petit signe de la tête... même s’il n’avait rien à craindre d’elle. Il se renfrogna légèrement quand elle s’empara de son peigne mais ne fit aucun commentaire... et de toute façon, elle l’aurait totalement ignoré. Ne quittant pas du regard la brosse qui allait et venait dans sa chevelure, elle écouta la réponse du noble qui lui répondit... tout aussi noblement, comme c’était étonnant.

Byakuya : « Qu’est-ce que cela peut vous faire, ce n’est point votre problème. »

C’était exact, ce n’était pas son problème. En réponse, elle se contenta de hocher la tête en signe d’acquiescement. Le silence s’installa entre eux sans qu’elle cherche à le briser de nouveau. Il lui fallait apprendre à connaitre le noble, et apparemment celui-ci aimait le silence... Il lui faudrait un peu de temps pour apprendre à connaitre et à « apprivoiser » ce nouveau Kuchiki. Cependant elle appréciait déjà celui-là, en espérant que les nobles et leurs mauvaises habitudes ne le cassent pas trop en morceau pour le faire entrer dans leur moule de perfection. Si parfois elle pouvait trouver leurs instructions amusantes, elle les aimait beaucoup moins quand elles concernaient quelqu’un qu’elle devait protéger. Cependant, le caractère de l’étudiant avait l’air assez fort pour persister à exister malgré la pression que pourrait exercer les anciens sur ses épaules. C’était une bonne chose... Et au pire, elle serait là pour les remettre un peu à leur place. Byakuya finit par saisir enfin la tasse fumante après avoir certainement réfléchi sur le pour et le contre, et la porta doucement à ses lèvres. Intriguée, elle guetta discrètement sa réaction du coin de l'œil. Ah ! Cela lui avait plu à en juger par le niveau de l'eau... Tant mieux. Elle nota soigneusement cette information dans son esprit. L’odeur du noble était étrangement entêtante, et arrivait presque à émousser la vigilance de Yoake. Alors qu’elle commençait à s’y laisser griser, la voix du noble résonna de nouveau.

Byakuya : « Vous aussi, vous abaissez votre garde. »

Outch, allez prends-toi ça en pleine face Yoake. Elle entendit son hollow hurler de rire au fond de son esprit et son rire se transmit peu à peu à ses sabres qui se foutaient gentiment de sa gueule. Et voilà que c’était un adolescent qui faisait la morale à son garde du corps de plusieurs siècles son ainé. Vilaine fille. Il n’avait pas tort et c’était justement ça le problème... Pour une première rencontre, ce constat n’allait pas du tout. Pour qui allait-elle passer maintenant ? Elle ne pouvait que saluer les capacités d’observation du jeune héritier mais elle devait rebondir sur ses pieds si elle ne voulait pas perdre toute crédibilité. Sans changer d’expression le moins du monde, elle se contenta de fermer les yeux avant de souffle tout bas :

Yoake : « Croyez-vous vraiment cela ? »

D’un mouvement rapide et fluide, une aiguille d'une quinzaine de centimètres fusa près de son visage, siffla en fendant l'air et alla se planter dans une jonction assez large entre deux plaques en bois de sa coiffeuse. Calmement, elle retira l'arme sans laisser de trace dans le bois qui avait à son passage embroché... un tout petit insecte semblable à un moustique qui agitait encore ses pattes. Après l'avoir vaguement présenté au noble, elle fit disparaitre l'aiguille Aizen-sama seul sait où et avait reprit son peignage de cheveux. Non mais. Ce n’était pas pour l’impressionner ni pour lui faire peur bien au contraire, c’était simplement pour lui montrer que non, même avec l’air absent elle était toujours sur ses gardes... ou presque. Il allait falloir qu’elle se souvienne de tout ce qu’elle avait appris sur la protection de quelqu’un et qu'elle commence à réviser sérieusement pour être capable de le défendre au mieux.

Yoake : « Cependant, vous aviez raison. Je vous prie de me pardonner cet écart de conduite. »

Elle reprit un air un peu plus concentrée sur sa tâche, savourant secrètement passer ce peigne dans la chevelure sombre du noble. Ses doigts jouaient avec délice avec ses mèches, prodiguant au jeune hériter de légères caresses et un petit massage de son cuir chevelu. Et puis vraiment, que voulait-il brosser... il n'avait pas le moindre nœud. Cependant cela ne l'empêcher pas de s'occuper de lui avec une précaution infinie. Elle lui lança un regard calme dans son reflet dans le miroir et changea de conversation :

Yoake : « Le thé est-il à votre goût ? »

L’air victorieux du noble s’effaça quelque peu quand elle fit sa légère démonstration de force. Voilà. Ça lui apprendra à la sous-estimer. Retenant toute satisfaction se peindre sur son visage, elle était pleinement concentrée sur son œuvre de démêlage de cheveux – même pas emmêlés d’ailleurs, mais trop doux pour qu’elle puisse s’arrêter – elle sentit le noble se détendre peu à peu sous ses doigts, savourant la boisson qu’elle lui avait préparé. La tension dans ses épaules se relâcha et si sa tenue était toujours sans la moindre imperfection, mais il paraissait plus... détendu. Moins sur ses gardes en somme. L’assassin en soupira intérieurement de soulagement, il était trop tôt pour tirer des conclusions qui seraient hâtives et erronées mais au final, il semblerait que les choses ne se passaient pas si mal que cela. En espérant que Ginrei savait ce qu’il faisait. Reposant la tasse avec une grâce et une noblesse qui lui étaient presque naturelles, il répondit sur un ton un peu moins contrôlé et plus spontané que précédemment.

Byakuya : « Il est fort bon, et je n’en ai jamais bu de tel. Puis-je en connaître sa contenance ? »

Elle retint un sourire victorieux. Ahah ! Elle avait visé juste, et le thé lui plaisait. Elle nota soigneusement cette information dans un coin de sa tête. Maintenant, il fallait qu’elle prenne une nouvelle décision... Devait-elle se la jouer secrète et garder la recette de ce thé pour elle, ou allait-elle lui donner sans contrepartie ? Hm. Cependant, l’air curieux et détendu du noble la découragea à tenter de le mettre en boule. Avec un sourire, elle lui lista les ingrédients nécessaires, non sans ajouter que ce thé exigeait une préparation assez spéciale et un dosage rigoureux. Marquant une pause, elle ajouta qu’elle lui détaillera tout cela par écrit et qu’il n’aura qu’à donner cette recette à ses serviteurs pour qu’ils lui refassent. Après tout, ce n’était que du thé, pas l’un des poisons dont elle avait le secret. Puis, elle retourna dans son mutisme et surveilla discrètement du coin de l’œil l’expression de Byakuya devenir pensive, puis inquiète, puis presque contrariée. Elle prit note soigneusement de chacune de ces expressions pour savoir les reconnaitre quand elle en aurait besoin. Cela aussi faisait partie des choses qu’elle devait apprendre du noble.

Le jeune garçon eut un léger sursaut qui fit instinctivement se tendre Yoake et elle se mit sur ses gardes, prête à réagir au quart de tour au moindre danger. Que se passait-il ? Y avait-il un problème, quelque chose dont elle devait se méfier ? Puis, le noble sembla se reprendre et se redressa légèrement comme s’il cherchait à reprendre le contrôle de lui-même. Ah. C’était juste ça... Il s’était laissé aller et ça l’avait surpris. Se détendant, elle reprit son œuvre qu’elle avait bientôt achevée pendant que le gonflement de sa cage thoracique lui indiqua qu’il prenait une profonde inspiration. Dans son dos, elle ne vit pas son léger coup d’œil vers son sabre et regarda sa masse de cheveux souples alors que pour une fois, ce fut l’étudiant qui brisa le silence :

Byakuya : « Puis-je enfin me relever ? »

Ouh, la patience n’était pas vraiment son fort apparemment, du moins pas tout de suite, c’était typique de son age. Pourtant, il apprenait vite et avait usé des mêmes précautions qu’elle pour ne pas lui donner d’ordre. Avec un sourire elle eut un petit hochement de tête patient et termina rapidement la mèche qu’elle brossait et la remit tranquillement en place avant de reposer le peigne sur la coiffeuse. Des pas résonnèrent dans un couloir tout proche de celui-là et une partie de l’esprit de Yoake suivit sa course, ses muscles se tendant au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient. Au vu du bruit étouffé des pas, l’inconnu était assez mince. La cadence rapprochée comparée à sa vitesse lui indiquait qu’il était petit. Elle s’écarta du noble naturellement et se releva pour lui laisser de l’espace, se glissant l’air de rien à un endroit stratégique.

Les pas se rapprochèrent encore et Yoake se concentra un peu plus sur ceux-ci. Le bruit et la cadence lui indiqua que la personne était assez jeune, elle avait une démarche légère, trop fluide pour appartenir à une vieille dame mais trop hésitante pour appartenir à une femme d’âge mûr. Quand il fut certain qu’elle venait effectivement pour l’héritier des Kuchiki, elle attendit sagement qu’elle demande humblement l’accès à la pièce pour que Byakuya détourne le regard d’elle pour lui permettre de regagner les ombres, disparaissant totalement pour une vision non exercée. Hors de question qu’elle la voit. Une fois visible, elle prit soin d’étudier ce qui s’avéra être une jeune fille qui devait d’entrer au service du manoir. Fronçant les sourcils de méfiance, elle inspecta scrupuleusement la nouvelle venue. Etait-elle une menace ? Les gestes hésitants, le regard fuyant et les joues légèrement rougissantes... Mouais. A son âge, elle avait déjà plusieurs assassinats à son actif et était redoutable. Cette fille pouvait très bien jouer la comédie et être chargée d’assassiner ou de nuire à Byakuya. Puis, elle releva quelques détails qui écartaient cette hypothèse. Trop de tremblement dans les mains, légers tics nerveux, elle n’était pas à l’aise mais ce devait être à cause de sa récente prise de fonction ou d’autre chose.

Laissant le noble à ses occupations... de noble justement, et laissa une partie de son esprit réfléchir à la suite des évènements. S’ils restaient ici, elle allait jouer le fantôme clignotant toute la journée et ce n’était pas la meilleure des façons d’apprendre à connaître quelqu’un, vous en conviendrez. Bon, il allait falloir trouver quelque chose pour sortir le noble de toutes ces convenances et de ces obligations... et puis ça lui ferait un peu prendre l’air le pauvre, il était blanc comme un cul. S’éclipsant alors sans un remous, elle se glissa hors de la pièce et longea les murs pour emprunter un passage secret... Il fallait qu’elle aille parler à Ginrei. Elle avait besoin de son autorisation pour une petite excursion... Cependant, elle mit au moins tout le trajet en prenant son temps pour se trouver une excuse et pouvoir l’emmener. Elle aurait bien aimé qu’il dise oui et t’occupes Martine je gère mais les gens avaient tendance à devenir gâteux et aigri avec l’âge. Il allait falloir le prendre avec des pincettes. Elle finit par revenir dans la pièce où siégeait Byakuya... visiblement en pleine concentration. Restant parfaitement silencieuse, elle marqua un temps d’arrêt de surprise... avant de se glisser et de s'asseoir dans un endroit sombre en attendant patiemment que son jeune protégé sorte de sa méditation. Il valait mieux ne pas le déranger pour l’instant... Elle savait à quel point ce genre de moment pouvait être important pour quelqu’un.

La jeune femme observa le noble avec la plus grande attention, notant soigneusement chacune de ses expressions, chaque fluctuation de son énergie spirituelle comme pour s’en imprégner. Elle se surprit même à reproduire certaines ondulations avec sa propre énergie, et même avec sa main et ses doigts pour en battre la mesure. Il fallait qu’elle soit capable de retrouver cette énergie à n’importe quel moment et n’importe où. Sentir instinctivement quand il était en danger et le rejoindre le plus vite possible. Cela prendrait du temps avant qu’elle ne puisse atteindre cet objectif mais elle n’était pas pressée... elle n’avait rien de mieux à faire après tout. L’énergie spirituelle du noble finit par se tarir et il émergea lentement dans la réalité. Déjà, elle pouvait voir les premiers signes de déconcentration. Sa respiration un peu moins profonde, ses sourcils froncés... avant qu’il ne finisse par ouvrir les yeux, l’air visiblement mécontent et contrarié. Ah, ces Zanpakuto ! Ils ne faisaient rien comme on le souhaitait. Elle se souvint avec nostalgie à la manière dont elle avait triché pour découvrir son nom. En lisant sur ses lèvres. Il était bien embêté après le sabre ! Puis, le noble sembla se rendre compte de la présence de l’assassin dans la pièce. Il se leva avec noblesse, son katana en main, et se tourna vers la vizarde qui n’avait pas bougé d’un pouce. Il fallut encore attendre que leurs regards se croisent avant que l’un d’eux ne se décide à briser le silence.

Byakuya : « Pourquoi venir encore ? Je n’ai rien à craindre en cette pièce. »

Elle s’immobilisa et cligna des yeux. Son expression ne changea pas mais se figea en un masque, alors que ses mots s’imprégnaient dans son esprit. Non... Il n’avait pas osé quand même ? Elle sentit la mâchoire de son hollow interne et celle de l’un de ses sabres percuter violemment son sol mental. Elle sentit également la surprise puis l’amusement du l’autre katana. Il. N’avait. Rien. A. Craindre. En. Cette. Pièce. Non, même en mettant les mots un par un ça gardait le même sens. Etait-ce un langage codé ? Non. Etait-ce ironique ? Non. Fallait-il changer l’ordre des mots ? Non. Les épaules de l’assassin eurent un léger tressautement. Non mais il n’avait pas osé, c’était juste pour plaisanter... Oui voilà, une simple plaisanterie. Non. Il avait vraiment l’air sérieux. Elle fit le tour de toutes les langues qu’elle connaissait, en passant par le sumérien, le babylonien et le phénicien. Tous les langages secrets ou codés. Toutes les formes de style possibles et inimaginables. Mais non. Il était sérieux. Cela voulait dire qu’il avait dit la vérité. Et donc qu’il pensait sincèrement ce qu’il venait de dire. Ce fut à ses abdos d’avoir un léger spasme. Puis la vizarde baissa la tête, et ses épaules tremblèrent de nouveau... de plus en plus rapidement. Se mordant la lèvre. Non... Il ne fallait surtout pas qu’elle... Trop tard. Relevant le visage, son regard de glace pétillant de malice et d’amusement, elle éclata d’un rire silencieux et néanmoins contrôlé, alors que son hollow interne hurlait de rire au fond de son esprit. Il était chou.

Yoake : « Je vous demande pardon ? Pensez-vous vraiment ce que vous venez de dire ? »

Elle se reprit cependant très vite pour ne pas froisser le noble et sa fierté d’adolescent pré-pubère. Déjà qu’il allait mal le prendre et faire son museau de musaraigne mesquine en boudant en clamant haut et fort que non, il n’était pas vexé et que ça ne l’atteignait pas, autant tout de même limiter les dégâts. Elle se calma et cessa de rire, gardant tout de même un sourire joueur et amusé. La difficulté maintenant, était de lui faire comprendre toujours sans le froisser à quel point son erreur pouvait être dangereuse, voire fatale. Parce que sinon, elle allait devoir veiller sur lui quelque chose comme tous les jours, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et si ce n’était pas si déplaisant que ça au fond, elle avait quand même autre chose à faire.

Yoake : « Mon jeune Prince... c’est justement parce que vous pensez cela que cet endroit devient la place la plus dangereuse au monde pour vous. Plus vous vous sentirez en sécurité dans un endroit, plus vous baisserez votre garde et plus vous serez facile à atteindre. Si je devais vous assassiner, soyez assuré que je le ferai dans cette pièce. »

Sans parler de l’impact psychologique sur les autres nobles. Une sorte d’avertissement. Ne dormez plus tranquille, les assassins rôdent... cependant, l’heure n’était pas aux explications sur les us et coutumes des assassins. D’ailleurs, elle doutait que cela l’intéresse vraiment... elle se contenterait de lui souffler les choses les plus essentielles, pour qu’il puisse se défendre seul au cas où. Inutile de lui apprendre l’art du combat, il avait bien assez de précepteur et de professeur pour cela. En revanche, si on fournissait une protection immunitaire contre certains poisons, on éduquait rarement les jeunes nobles pour qu’ils se protègent des assassinats. La preuve flagrante était la remarque qu’il venait de faire. Enfin, elle était derrière lui aujourd’hui, les leçons pourraient bien attendre... Elle fit un geste léger et élégant de la main comme pour chasser ses paroles, elles n’avaient pas réellement d’importance. Ayant repris totalement le contrôle d’elle-même, elle put enchaîner sur la raison de son retour près de lui.

Yoake : « Mais laissons cela si vous le voulez bien. La raison de mon retour est simple, je viens de parler avec votre grand-père. Si vous le désirez – et uniquement à cette condition, il est d’accord pour que je vous emmène dans le monde des humains pour la journée. Juste vous et moi. »

Elle laissait le noble prendre la décision. Après tout, elle ne pouvait pas le forcer, mais au fond peut-être que cela lui ferait du bien de s’éloigner un peu de la demeure familiale, de ses responsabilités, et du poids qu’ils voulaient lui faire porter sur ses frêles épaules. Lui permettre de respirer un peu en somme.

Elle étudia ses traits sans un mot, s’amusant de leur expression. Ses mimiques, ses réactions, ses gestes, tout rappelait son grand-père qu’il semblait s’efforcer d’imiter... Ça en devenait presque touchant. Cependant, il ne s’en rendait peut-être pas compte lui-même, mais il possédait déjà certaines expressions qui lui étaient propres, sans qu’il ait besoin de chercher à les imiter. Cependant, voir ce petit pimousse tenter de prendre les grands airs de son illustre grand-père avait quelque chose de comique qu’elle réussit à camoufler parfaitement. Il était vraiment trop chou. Et puis il fronça les sourcils, et même si elle ne le connaissait pas depuis très longtemps, cela faisait plusieurs fois qu’il faisait ce geste... il allait finir par se rider le front avant l’heure. Elle nota cela dans un coin de son esprit et prit note de bien faire attention aux moindres détails de ce froncement. Chaque nuance pourrait certainement lui en dire beaucoup sur ce qu’il penserait, plus tard... Quand on lui aurait enlevé toute trace de spontanéité. Pour l’heure, il marqua une légère hésitation à sa proposition, comme tiraillé entre deux choix... qui devaient être plus profonds que « ne pas y aller ou y aller quand même ». Elle attendit donc sa réflexion, avant qu’il ne brise le silence :

Byakuya : « Vous me parlez de sécurité et cependant vous voudriez me guider dans un monde que je ne connais point ? En quoi cela me serait utile si ce n’est m’exposer à ce danger dont vous semblez vouloir me soustraire ? »

Il n’avait pas tort en un sens. Après tout, elle l’emmenait dans un endroit totalement inconnu pour lui, un endroit dont il ne pourrait revenir si jamais il se passait quelque chose... ou si la petite virée tournait mal. De plus, il n’avait rien de plus que sa parole, il ne l’avait même pas vu discuter avec son grand-père... Cependant, il avait faux sur plusieurs points. Le premier était qu’il lui serait beaucoup plus facile pour elle de le protéger sur un terrain qu’elle connaissait et surtout où elle pouvait agir sans crainte d’être vue. Le second était que là-bas, il était protégé par l’anonymat et donc personne ne viendrait l’embêter parce qu’il était noble ou héritier, les hollows ayant le magnifique avantage de ne pas se soucier de ce genre de chose. Et puis, cette escapade lui offrait l’énorme avantage de rester près de lui sans avoir à se cacher ou à rester dans l’ombre toutes les cinq minutes. Cependant, elle ne pouvait pas lui reprocher cette méfiance qu’elle avait elle-même encouragé et elle ne tenait pas à le forcer à faire quelque chose qu’il ne désirait pas. Si c’était pour avoir un petit garçon boudeur dans les jambes qui donnait des coups de pied dans les cailloux, non merci.

Byakuya : « Soit, j’accepte puisque Ojii sama semble vouloir que je vous fasse confiance. »

Elle eut un sourire. Un sourire un peu étrange, à la fois doux, calme, joueur et satisfait. Satisfait, non pas qu’il daigne bien l’accompagner dans le monde des humains, mais satisfait d’avoir senti cette méfiance et cette tension au creux de sa voix, signe qu’il se tenait sur ses gardes. Il ne lui faisait pas totalement confiance. Il apprenait vite, et ce n’était pas pour lui déplaire... Elle avait bien l’intention de mériter sa confiance, pas qu’il la croit bêtement parce qu’elle ou son grand-père lui avait dit. Or, il lui avait l’air assez réfléchit et mature pour décider de cela tout seul. Son regard eut une lueur de malice, et peut-être aussi une pointe de fierté envers le jeune homme.

Yoake : « J’aime ce regard, Jeune Prince. Gardez cette méfiance intacte je vous prie, elle pourrait vous servir. Bien ! Puisque vous acceptez, oserais-je vous suggérer de vous habiller un peu plus chaudement et de ceindre votre sabre ? Nous avons l’autorisation de votre grand-père d’emprunter le Senkaimon de votre famille, je vous attendrais là-bas. »

Puis, usant d’un sourire et s’inclinant devant son « Jeune Prince » par respect et non par soumission, elle s’éclipsa sous ses yeux dans les ombres pour se glisser hors de la pièce. Jeune Prince... elle trouvait que ce nom lui allait bien. Peut-être allait-elle le garder encore un peu. Au pire, elle avait presque l’éternité pour lui en trouver un autre. Ginrei devait avoir eu le temps de relever les gardes qui gardaient le portail le temps pour Byakuya et elle de prendre la poudre d’escampette sans qu’elle prenne le risque de se faire voir. Oh, les gardes se tairaient surement si le chef des Kuchiki leur en donnait l’ordre, mais elle préférait ne pas prendre de risque. Le temps que le noble se change et la rejoigne, elle avait tout juste le temps d’ouvrir le passage. Sans perdre une seconde, elle se mit à l’œuvre et bientôt, les portes s’ouvrirent. Il ne manquait plus que le petit Prince, qui ne tarda pas à arriver. Se contentant d’un sourire pour l’accueillir, elle lui fit un geste poli pour l’inviter à entrer le premier et s’engouffra à son tour dans le portail sans perdre une seconde.

Ils arrivèrent ensemble à Nikko, sous leur forme spirituelle. Byakuya étant certainement beaucoup trop jeune pour avoir un gigai, il leur faudrait se contenter de rester invisible parmi la population... ce qui promettait d’être un peu plus exaltant que les tonnes de règles de la noblesse... Ici, personne ne pouvait les voir, si on exceptait les hollows et les shinigami... mais comment voulez-vous retrouver quelqu’un dans une foule ? Car oui, il y avait foule. Et pour cause, c’était le Shuki Taisai, le grand festival de l’automne. Au programme, procession de guerriers samouraïs, concours de tir à l’arc à cheval et autres festivités. Restant proche du noble pour ne pas le perdre, elle était néanmoins dans son dos comme pour l’invité à aller où bon lui semblait. Elle était juste là pour le protéger, le reste, il avait quartier libre jusqu’à ce soir.

Elle perdit un instant son regard dans la foule environnante, laissant quelques secondes à ses oreilles pour qu’elles s’habituent au brouhaha brutal des lieux. Elle n’avait jamais réellement apprécié ces bains de foule, que ce soit lors des mêlées des batailles ou de simples rassemblements... Le pouvoir qu’elle contenait était immense pour celui qui savait s’en servir, et il était facile de tuer un homme sans se faire remarquer pour le peu qu’on sache s’y prendre... Mais c’était plus fort qu’elle, elle n’aimait pas ça. Surtout quand elle devait protéger quelqu’un, c’était une véritable horreur... Enfin, l’avantage dans le cas présent était que personne ne pouvait les voir ni les toucher, les individus ne représentant alors que des masses opaques mais immatérielles qui pourraient au pire lui faire perdre de vue le jeune homme. Si elle était depuis longtemps habituée à se faire traverser sans égard, la chose paraissait des plus frustrantes pour son jeune Prince qui semblait s’énerver de plus en plus. C’était compréhensible après tout, lui qui avait l’habitude d’être le centre d’attention, le sujet à tous les regards, celui qu’on osait à peine frôler... Voilà qu’une masse de gens le traversait sans gêne aucune sans même le voir. Frustrant.

Cependant, bien qu’elle sentait la tension chez le noble augmenter, elle était loin de s’imaginer sa réaction. Avec un froncement de sourcil, elle le sentit rapidement concentrer son énergie dans son corps et avant qu’elle ne puisse esquisser un geste... il s’était déjà barré en shunpo. Le fourbe. Le sale petit noble de brin. Dès qu’elle le rattrapait, elle allait en faire un civet, du pâté ou un rôti. Et tant pis pour Ginrei ! Il savait à quoi il s’exposait en confiant la garde de son petit-fils à un assassin. Et puis c’était lui qui l’avait cherché après tout ! Au pire, elle pourrait inventer une tragique histoire... Oui voilà, avec des hollows... des gros et très méchants hollows... Bon bien sûr il faudrait qu’elle se mutile pour faire croire à un véritable affrontement... Bon d’accord, c’était leur première sortie ensemble, mais bon, ça pouvait arriver de ne pas avoir de chance... Au point de mettre en difficulté l’ancien capitaine des services secrets et nouvellement Vizarde ? Ouais, c’était vrai que ça sonnait moyen comme excuse. Déjà qu’il en fallait pour mettre en difficulté un capitaine, mais alors un ancien capitaine vizard... Le premier jour où elle emmenait son jeune protégé dans le monde des humains... et même le premier jour où elle voyait son nouveau protégé... Elle soupira. Non, il n’y avait pas moyen, il allait falloir faire avec cet espèce de sale gosse.

Elle eut un soupir... et le laissa prendre de l’avance, après avoir suffisamment pester contre lui. Bah, c’était compréhensible après tout, c’était probablement l’une des seules fois de sa vie où il était presque totalement libre. Mais la prévenir n’aurait pas été de refus quand même. Elle n’était pas sûre que ce soit dans les manuels de noblesse du Seireitei, de disparaitre sans prévenir au nez et à la barbe de quelqu’un qu’on venait de rencontrer et qui était censé vous protéger. Elle ferma un instant les yeux et chercha les signatures spirituelles des personnes dans la ville... Non, il n’avait pas pu aller bien loin... Elle retrouva sa trace au bout de quelques dizaines de seconde de recherche mais déjà son énergie s'étiolait comme un tissu de soie qui flotterait au vent et serait emporté par une légère brise, de plus en plus loin d’elle. Pour ne pas perdre sa trace, elle usa à son tour du shunpo et resta à une distance respectable... le laissant profiter de quelques instants de liberté.

Pourtant, elle ne pouvait pas le laisser rester ainsi trop longtemps non plus. Si implicitement elle le laissait savourer sa soudaine libération, elle ne pouvait pas non plus approuver qu’il s’enfuie comme ça sans la prévenir. Il pouvait bien le faire avec les autres parce que c’était... les autres justement, mais pas avec elle qui était en quelque sorte son garde du corps. Elle détestait s’appeler comme ça, chaque fibre de son être se hérisser de dégoût sous cette appellation. Autant elle pouvait supporter d’être appelée le chien de Chien de Garde des Kuchiki, autant la notion de garde du corps allait totalement à l’encontre de sa vocation d’assassin. Son métier était d’assassiner les gens, pas de les protéger. Enfin, elle devait bien ça à Ginrei. Elle arrêta sa chasse quand le noble sembla s’immobiliser sur un toit... tout près du tournoi de Yabusame, cette discipline qu’elle avait appris à maitriser qui alliait sport équestre et tir à l’arc... Pas facile du tout. Croisant les bras à l’ombre d’un arbre, elle le laissa contempler un instant le spectacle... avant d’apparaitre d’un shunpo dans son dos. Sans lui laisser le temps de réagir et de prendre son sabre, elle l’attrapa par la nuque et le souleva du sol à la manière d’une mère devant son chaton et l’observa avec un air légèrement réprobateur :

Yoake : « J’ai connu beaucoup de petits garçons avant vous jeune Prince, mais j’avoue que vous êtes doué pour les bêtises. Dois-je vous tirer les oreilles comme je le faisais à votre père ou les punitions de vigueur dans la Noblesse ont-elles changé depuis mon départ ? »

Puis, elle reposa tranquillement le petit noble sur le toit. Bon, cela n’allait certainement pas lui plaire mais d’abord c’était la moindre des choses après s’être éclipsé comme ça sans prévenir. Et elle aurait pu faire pire... comme lui confisquer son sabre et lui refuser ainsi sa qualité d’homme et de guerrier. Mais non, elle l’avait même reposé doucement au sol alors il pouvait bien râler autant qu’il le souhaitait, il se heurterait au visage doux et bien moins contrarié à présent de son garde du corps, qui le contemplait avec un air un peu amusé... Signe que non, elle ne lui en voulait pas tant que ça. Cependant, elle regrettait un peu ses paroles... Maintenant, s'il était suffisamment malin, il pourrait aisément retrouver son identité. Il avait son prénom, il savait qu'elle avait quitté la Soul Society et il savait qu'elle était encore là à l'époque où Shojun pouvait encore se faire tirer les oreilles... Bon, elle pouvait toujours - encore maintenant - lui tirer les oreilles, mais tout de même. Hmpf. Il n'y avait plus qu'à espérer qu'il n'ait pas l'idée d'aller fouiner dans le passé ou qu'il ne soit pas assez malin pour ça... mais il ne valait mieux pas compter là-dessus... Et dans ce cas, il n'y avait plus qu'à espérer qu'il tiendrait sa langue.

Le noble n’avait pas l’air vraiment ravi de se faire attraper ainsi par le col et de se faire légèrement secouer comme punition. Bon, elle l’avouait, c’était compréhensible, il n’y avait rien de plaisant à se faire agiter ainsi comme un chaton, mais il le fallait pour lui montrer qu’elle n’était pas à son service... et qu’il n’avait pas à disparaitre comme ça sans prévenir. Elle voulait bien le laisser seul et faire toutes les courses qu’il voulait, rester dans l’ombre pour qu’il puisse avoir un peu de liberté, à la seule condition qu’il la prévienne. Son travail était en parti de prévoir les imprévus, mais justement là les imprévus risquaient d’être un peu trop dangereux pour qu’elle puisse se permettre de perdre le petit noble de vue. Il gesticula un moment sous sa prise en tentant de se libérer, visiblement très en colère et plein de cette fougue qui lui avait pris la poudre d’escampette.

Byakuya : « Lâchez moi c’est un ordre ! Je ne suis pas un paysan vous n’avez aucun droit de me tenir ainsi ! »

Elle poussa un long soupire en le reposant. Elle lui avait expliqué les règles du jeu il y avait à peine quelques heures mais non, il avait déjà tout oublié. Comment allait-il falloir qu’elle lui explique qu’il n’avait pas d’ordre à lui donner et qu’elle n’avait besoin d‘aucun droit pour faire ce qu’elle voulait ? Après tout, que pouvait-il bien faire ? Se plaindre à son grand-père ? Et que pourrait-il faire de plus ? Lui passer un savon ? Elle sourit intérieurement à cette pensée. Ginrei pouvait bien dire tout ce qu’il voulait, il n’avait aucun ordre à lui donner. Si elle avait accepté de protéger son petit-fils, c’était uniquement pour payer sa dette, point barre. Elle n’était pas à son service. Et ensuite quoi ? Se plaindre à cette bande de vieux gâteux que formait les anciens ? Ah ! Elle les attendait de pied ferme. Quant à la Soul Society, elle avait déjà plus à craindre… mais elle doutait cependant que Ginrei laisse les choses aller si loin et si elle avait pu se cacher pendant quatre siècles, elle pouvait toujours se faire oublier de nouveau... en supposant que quelqu’un croit un traitre mot de ce que le petit noble pourrait leur dire. Alors non, peut-être n’avait-elle aucun droit de le tenir ainsi. Mais pour l’heure, c’était la dernière chose à laquelle elle se souciait.

Puis, la colère du noble sembla être littéralement soufflée et Yoake contint difficilement un air amusé en constatant l’humeur capricieuse du noble. Il cessa enfin de se masser la nuque et elle aperçut vaguement dans le mouvement les légères traces qu’avait laissé sa prise. A première vue, rien de vraiment grave, elles partiraient rapidement et ses cheveux se chargeraient de les camoufler pendant un temps. S’il ne s’était pas agité dans ses bras aussi, il n’aurait pas été marqué... Enfin. Ce fut un regard étrange, mélange un dédain certain à son égard, des traces de sa colère flamboyante et surtout une bonne dose de curiosité mal réprimée. Aussitôt, une petite partie de l’esprit de la vizarde prit cela en note, se demandant bien laquelle de ses paroles avaient pu déclencher un tel intérêt dans le cœur de son jeune protégé. Il allait falloir qu’elle s’en souvienne si jamais cela pouvait le calmer à un moment ou à un autre.

Byakuya : « Depuis quand connaissez-vous mon père ? Il n’est certainement pas un homme à qui l’on se permet de lui tirer les oreilles, et que pouvez-vous donc savoir des punitions en vigueur vous qui n’êtes même pas noble ? »

Outch, c’était méchant ça. Elle fronça légèrement les sourcils à cette phrase, d’autant plus qu’elle n’aimait pas trop le ton qu’il avait employé... Cependant elle décida de ne pas lui en tenir rigueur. Après tout c’était juste un gamin, il ne savait pas vraiment ce qu’il disait et de plus, il devait certainement encore lui en vouloir de l’avoir attrapé par la nuque. Y avait-elle été un peu fort... ? Pourtant, elle n’en avait pas l’impression. C’était soit ça, soit lui tirer les oreilles. Ce noble devait se tenir en bien haute estime pour réagir ainsi, presque autant qu’il devait la mépriser. Bah, peu importe, d’autres étaient morts pour l’avoir sous-estimé bien moins que cela, il finirait certainement par comprendre qui il avait en face de lui. Elle laissa donc son attitude couler sur elle et croisa les bras en attendant qu’il daigne se calmer. Il lui tourna le dos et porta son regard sur la compétition qui se déroulait un peu plus loin.

Le surveillant du coin de l’œil, elle s’autorisa à concéder un peu de son attention aux combattants qui se défiaient dans leur concours... Après tout, son Zanpakuto était encore à côté d’elle, s’il devait s’éclipser de nouveau, il faudrait bien qu’il passe le prendre. Son regard avisé nota deux ou trois détails qu’elle aurait dû prendre en compte si elle y avait participé... La jument en chaleur d’un cavalier susceptible de perturber les étalons, la direction du vent, l’humidité dans l’air. Elle eut un petit reniflement dédaigneux en voyant plusieurs soi-disant guerriers garder leur arc tendu alors qu’ils ne servaient pas. Avec toute cette humidité, ils allaient abîmer le bois. Dès que le noble esquissa un mouvement, sa concentration se reporta immédiatement sur lui et elle suivit du regard chacun de ses gestes alors qu’il récupérait son sabre pour le passer à son flanc... lame vers le bas, en signe de respect. Hm. Il avait peut-être fini par se calmer finalement. C’est d’une voix plus douce, presque soufflée qu’il reprit la parole.

Byakuya : « Vous me faîtes oublier tous mes devoirs. »

A son tour, son expression s’adoucit et perdit un peu le léger froncement de sourcil qui était venu ridé son front. Son nobliau avait fini par se calmer, mieux, il reconnaissait presque s’être emporté... et il le regrettait apparemment. Elle se doutait bien que c’était surtout parce que ça allait contre tous les principes de noblesse qu’on essayait de lui inculper... Rester impassible, ne jamais laisser filtrer ses émotions, maitriser sa colère ou toute autre émotion d’ailleurs. Mais il était encore un peu jeune, et il n’était pas facile du tout de ne pas céder à ses hormones, en particulier à cet âge. Alors, tout doucement, elle leva sa main pour la poser sur son épaule, lui apportant l’un de ces contacts physiques doux et amical dont il ne devait pas jouir tous les jours. Elle chargea calmement sa senestre d’une énergie douce et chaude, diffusant sur son corps une légère caresse rassurante... comme pour lui transmettre son affection et sa force. Elle ne pouvait pas réellement faire quelque chose de plus, de plus elle ne voulait pas risquer de le brouiller de nouveau.

Yoake : « Cela viendra, Jeune Prince, donnez-vous un peu de temps. Et puis, personne n’est là pour vous tenir tête, comment vous exercez à vous maitriser dans ces conditions ? »

Elle avait parlé d’un ton aussi doux que le sien mais plus chaude, comme pour faire disparaitre cette déception qu’il s’était infligé lui-même. Elle remonta légèrement sa main pour lui effleurer sa joue et écarta avec une tendre délicatesse les mèches de son visage l’espace d’un instant, avant de ramener son bras le long de son corps. Cependant, elle n’avait pas oublié ce qui l’avait interpellé tout à l’heure et elle décida d’user de ce sujet pour le détendre un peu et le faire penser à autre chose.

Yoake : « Quant à votre père, je le connais depuis sa naissance... et à défaut d’être noble moi-même dans votre monde, sachez que je connais vos usages et vos règles pour avoir fréquenter votre classe sociale assez longtemps. »